Contre vents et marrées, seul contre tous ? L’Amérique tient son 47è président et ce n’est pas un nouveau venu. Au soir d’une des élections présidentielles les plus disputées du pays de Thomas Jefferson, Donald Trump tient sa revanche face à un camp démocrate avec qui il a maille à partir, depuis l’empoignade remportée en 2016 contre Hillary Clinton…
Son mandat qui s’en est suivi a été un ring, son image présentée comme celle d’un empêcheur de tourner en rond pour l’establishment de Washington et les champions de la mondialisation. En 2019 son slogan « America first » ou « l’Amérique d’abord » lui ouvre les portes de la Maison blanche sans lui assurer le loyer d’un deuxième mandat. Cette fois, oh mon Dieu ! (Oh mon dieu !) diraient les observateurs les plus sarcastiques, il revient ! Et avec le rêve «make America great Again» ou «rendre l’Amérique plus grande encore» bien vendu aux grands électeurs et qui lui ont donné plus que les 270 votes suffisants pour retourner à Washington.
Avec le retour de Donald Trump à la tête de l’hyperpuissance américaine qui aura régné sur le monde pendant ces 80 dernières années, que d’interrogations de toutes parts, sur les cinq continents ? Quelle va être la trempe réelle de ce Trump II ? Pour bien de praticiens des relations internationales, les pays dont la réaction est à vite scruter sont connus : le grand voisin latino qu’est le Mexique, les pays membres de l’Union européenne, Israël, l’Ukraine, la Russie, la Chine , l’Iran, l’Afrique, la Confédération AES, pour ne citer que ces points de la planète politique.
La gestion de la frontière commune pour le Mexique ; la gestion de la guerre d’Ukraine et l’augmentation des droits des douanes pour les produits à l’importation, pour ce qui peut inquiéter les partenaires européens ; le soutien américain à Israël dans les tensions avec ses voisins du Moyen Orient ; celui à l’Ukraine dans le conflit avec la Russie ; le nucléaire iranien ; la guerre économique avec la Chine. Autant de sujets dont la gestion américaine sera élargie, avec le retour d’un homme craint et mal aimé pour son imprévisibilité et sa facilité à casser les codes politiques et diplomatiques établis.
«Que pense Poutine de la victoire de Trump ?». La revue géopolitique «le Grand continent» a été bien inspirée de poser cette question tant le président russe et son pays ont été au cœur du débat électoral américain depuis le duel Trump-Clinton jusqu’à cette dernière élection. Entre accusation d’ingérence, de piratage et d’accusation de parti pris pro Trump, le pays de l’Ours n’a jamais été aussi marqué au fer rouge de grand ennemi officieux du pays de l’Oncle Sam et du parti démocrate. Comme on le sait, le flegme du leader russe se confond avec celui de son pays.
Dans une déclaration, le ministère russe des affaires étrangères n’est pas allé par quatre chemins : « La Russie travaillera avec la nouvelle Administration une fois qu’elle sera installée à la Maison-Blanche, en défendant âprement les intérêts nationaux de la Russie et en continuant de poursuivre les objectifs fixés par l’opération militaire spéciale. Nos conditions n’ont pas changé et sont bien connues à Washington.»
L’opération spéciale, c’est connue, est l’appellation que Moscou donne à son conflit armé avec le voisin ukrainien depuis février 2022 alors que ce pays et ses alliés ont commencé la guerre contre la Russie depuis 2014. Le conflit russo-ukrainien a été sans doute le nœud gordien des relations américano-russes de ces trois dernières années avec l’administration démocrate de Joe Biden. Tous les observateurs s’accordent à penser que l’arrivée de Trump va sonner la fin de recréation d’une guerre dont l’objectif est connu : l’endiguement de la Russie devant la boulimie capitaliste nourrie par un regard gourmand sur ses énormes richesses et le plus vaste territoire étatique du monde.
Endiguement ? Le Mali et le Sahel en sont victimes par les pays membres de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) incités en cela par certains pays de ce qu’on appelle l’occident collectif et qui ne rêvent que de s’accaparer de la région naturelle du Liptako Gourma qui allait finir d’être rebaptisée, et de la manière la plus subtile, de «zone des trois frontières». L’arrivée de Trump est attendue par les analystes comme une opportunité de démondialisation qui devrait profiter à l’Afrique et aux pays de la Confédération des Etats du Sahel présidée depuis juin dernier par le Général d’Armée Assimi Goïta.
S’agissant des relations diplomatiques avec les États-Unis, on remarquera qu’elles ont résisté aux turbulences des changements géopolitiques dans la région sahélienne plus qu’avec les partenaires européens. Une diplomatie de l’équilibre qu’a bien réussi l’administration démocrate sortante et mieux acceptée par les trois États confédérés.
Le leader malien et ses homologues du Niger et du Burkina Faso, tout en restant concentrés sur les objectifs nobles de la Confédération, ne manqueront pas de réaffirmer à la nouvelle administration américaine qui entre en fonction le 20 janvier prochain, le cap désormais fixé pour des relations diplomatiques saines, empreintes de respect mutuel, de respect de la souveraineté et des intérêts supérieurs des peuples de la Confédération. Si Trump II veut «rendre l’Amérique plus grande encore», les dirigeants de l’AES entendent faire du Sahel un endroit prospère et envié dans le monde. À Trump II et ses concitoyens le rêve américain, aux dirigeants de l’AES et leur concitoyens, le rêve sahélien.
Alassane Souleymane
Source : L’Essor