En sa séance du mercredi 18 septembre 2024, le projet de Loi de finances pour l’exercice 2025, initié par le ministre de l’Economie et des Finances, a été adopté par le conseil des ministres. Puis, soumis à la délibération du Conseil national de transition. Ce document est naturellement inscrit “au rôle” de la session d’octobre du CNT (appelée d’ailleurs session budgétaire) ouverte le lundi 7 octobre en présence du président du CNT, le général Malick Diaw, du Premier ministre, Dr. Choguel Kokalla Maïga et des membres du gouvernement et des représentants des pays membres de l’AES (le Burkina Faso et le Niger) et de Türkiye…
Deux faits majeurs jaillissent de ce projet de Loi de finances : d’une part le budget de l’Etat 2025 présente un déficit budgétaire global de 580,986 milliards de F CFA contre 682,869 milliards de F CFA dans la Loi de finances rectifiée 2024, soit une diminution de 14,92 %, et, d’autre part, un montant de 80,750 milliards de F CFA y est prévu pour les dépenses électorales. Est-ce à dire que l’élection du président de la République aura lieu l’année prochaine pour un retour à l’ordre constitutionnel ? Plus d’un Malien l’espère. Les commerçants, opérateurs économiques et hommes d’affaires ainsi que les créanciers extérieurs n’ont pas été oubliés avec le remboursement prévu du principal de la dette intérieure pour 695,083 milliards de F CFA et de celui de la dette extérieure pour 223,271 milliards de FCFA.
Le projet de budget de l’Etat pour l’exercice 2025 est préparé en application de la loi n°2013-028 du 11 juillet 2013, modifiée, relative aux lois de finances, aux termes de laquelle la Loi de finances de l’année qui contient le budget de l’Etat prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat.
Ce projet de budget a été préparé dans un contexte marqué par une amélioration timide de l’environnement économique international malgré la persistance des risques en lien, notamment, avec la montée des tensions géopolitiques, le ralentissement des échanges commerciaux et les chocs climatiques.
Pour l’exercice 2025, la politique budgétaire vise à maintenir un solde budgétaire global compatible avec la viabilité de la dette publique. Le solde budgétaire global (dons inclus) sera orienté à la baisse.
Les opérations budgétaires englobent les inscriptions au titre des recettes et des dépenses.
581 milliards FCFA de déficit global
Les prévisions de recettes budgétaires pour l’exercice 2025 s’établissent à 2648,900 milliards de FCFA contre 2387,872 milliards de FCFA dans la Loi de finances rectifiée 2024, soit une augmentation de 261,028 milliards de FCFA correspondant à une hausse de 10,93 %, imputable à l’augmentation de la prévision des recettes du budget général et celle des recettes des budgets annexés.
En effet, ces prévisions comprennent les recettes du budget général pour 2526,261 milliards de FCFA contre 2265,402 milliards de FCFA en 2024 et celles des comptes spéciaux du Trésor pour 113,736 milliards de FCFA contre 113,786 milliards de FCFA en 2024.
Les prévisions des dépenses budgétaires pour l’exercice 2025 s’élèvent à 3 229,886 milliards de FCFA contre 3 070,740 milliards de FCFA dans la Loi de finances rectifiée 2024, soit une hausse de 159,146 milliards de FCFA et un taux de progression de 5,18 %.
Elles comprennent les dépenses du budget général pour 3107,247 milliards de FCFA contre 2948.270 milliards de F CFA en 2024, celles des budgets annexes pour 8,903 milliards de FCFA contre 8,684 milliards de FCFA en 2024 et celles des comptes spéciaux du Trésor pour 113,736 milliards de FCFA contre 113,786 milliards de FCFA en 2024.
Le solde budgétaire résulte de la différence entre le montant des recettes et celui des dépenses budgétaires. Ainsi, arrêté en recettes à la somme de 2648,900 milliards de FCFA et en dépenses à 3229,886 milliards de FCFA, le budget de l’Etat 2025 présente un déficit budgétaire global de 580,986 milliards de FCFA contre 682,869 milliards de FCFA dans la Loi de finances rectifiée 2024, soit une diminution de 14,92 %.
Dettes intérieure et extérieure soulagées
Pour 2025, les ressources de trésorerie de l’Etat sont évaluées à 126,970 milliards de FCFA contre 126,782 milliards de F CFA dans la Loi de finances rectifiée 2024, soit une légère hausse de 0,188 milliard de FCFA correspondant à une progression de 0,15 %. Elles comprennent essentiellement les produits des emprunts à court, moyen et long termes pour 90,000 milliards de FCFA et les dépôts sur les comptes des correspondants pour 18,301 milliards de FCFA.
Pour l’exercice 2025, les charges de trésorerie de l’Etat sont évaluées à 936,655 milliards de F CFA contre 826,441 milliards de F CFA dans la Loi de finances rectifiée 2024, soit une augmentation de 110,214 milliards de F CFA. Elles comprennent, principalement, le remboursement du principal de la dette intérieure pour 695,083 milliards de F CFA et de celui de la dette extérieure pour 223,271 milliards de F CFA.
Défense et Sécurité renforcées ! De nouveaux services pris en charge !
Dans les budgets de 2025, les inscriptions en faveur du ministère en charge de la défense et de celui en charge de la sécurité enregistrent globalement une progression par rapport au budget 2024.
S’agissant du département en charge de la Défense, les inscriptions budgétaires sont fixées à 485 milliards de FCFA pour 2025 contre un montant initial de 472,661 milliards et révisé à 565 milliards en 2024.
Concernant le département en charge de la Sécurité, les crédits budgétaires s’établissent à 184,665 milliards de FCFA en 2025 contre un montant initial de 195,192 millions de FCFA qui est resté identique après le collectif budgétaire en 2024.
Aussi, le budget de l’Etat 2025 prend en compte la création des lignes de dépenses pour ses nouveaux services publics pour une incidence financière globale de 0,986 milliard de FCFA. Il s’agit du Centre pour la promotion de la paix et de l’unité au Mali (564 703 000 FCFA), de l’Institut national de recherche sur la médecine et la pharmacopée traditionnelles (100 500 000 FCFA), de l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée (130 000 000 de FCFA), de l’Inspection de la jeunesse et des sports (110 000 000 de FCFA), de l’Ecole des transmissions, des télécommunications et de l’informatique (31 250 000 FCFA) et de l’Observatoire national du foncier agricole (50 000 000 de FCFA).
Le budget de l’Etat 2025 enregistre également la création de chapitres budgétaires pour l’ensemble des cercles et des arrondissements créés suivant la loi n°2023-005 du 13 mars 2023 portant Statut particulier du district de Bamako et la loi n°2023-006 du 13 mars 2023 portant création des circonstances administratives en République du Mali.
Quid de la déconcentration et de la décentralisation…?
Dans le cadre de la déconcentration budgétaire, les crédits inscrits dans les budgets des régions s’élèveront à 577,005 milliards de F CFA en 2025 contre un montant initial de 567,880 milliards de F CFA en 2024, soit une augmentation de 9,125 milliards de F CFA.
Au titre de la décentralisation budgétaire, les crédits transférés aux Collectivités territoriales sont prévus à 432,554 milliards de FCFA en 2025 contre un montant initial de 440,088 milliards de FCFA révisé à 434,298 milliards de FCFA en 2024. Ce montant prévisionnel pour 2025 diminue de 7554 milliards de F CFA par rapport au niveau initial de 2024 qui s’explique par l’absence d’annonce en matière de l’Appui budgétaire sectoriel (ABS) décentralisé. Aussi, il correspond à 17,74 % des recettes budgétaires contre un ratio initial de 20,32 % et révisé de 20,05 % en 2024. Ce ratio relativement faible en 2025 découle des effets combinés de l’absence d’ABS décentralisé et de la proportion de progression des recettes budgétaires relativement élevée.
La présidentielle en ligne de mire ?
Depuis 2022, le budget de l’Etat prend en compte la mise en œuvre du plan d’actions du Cadre stratégique de la refondation de l’Etat. Cette prise en compte se poursuit dans le budget pour l’exercice 2025 à travers les allocations des départements ministériels auxquelles s’ajoutent des financements spécifiques, à savoir : les dépenses électorales fixées à 80,750 milliards de FCFA ; la prise en charge des nouveaux organes prévus par la nouvelle Constitution, ainsi que les dépenses de fonctionnement des différentes instances de suivi des actions de réformes institutionnelles à hauteur de 17,297 milliards de FCFA et les dépenses de fonctionnement régulier de l’Autorité indépendante de gestion des élections évaluées à 6,093 milliards de FCFA.
Si le Conseil national de transition venait à voter la Loi de finances 2025, avec, bien sûr, un budget de 80, 750 milliards F CFA alloué aux dépenses électorales, cela vaudrait-il signifier que le Mali se dirige droit vers l’organisation, au moins, de l’élection présidentielle en 2025 ? Dans cette perspective, l’espoir renaît déjà chez plus d’un pour un retour à l’ordre constitutionnel après cinq ans de Transition militaire.
Ce qu’il faut savoir du DPPD-PAP 2025-2027
L’élaboration du Document de Programmation pluriannuelle des dépenses et Projet annuel de performance (DPPD-PAP) intervient dans un contexte marqué par le changement de paradigme dans la gouvernance du pays qui se traduit par la création d’un cadre de partenariat stratégique avec les pays amis et voisins avec, notamment, la mise en place de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Le présent DPPD-PAP couvrant la période 2025-2027 s’inscrit en droite ligne de la dynamique de modernisation de la gestion des finances publiques au Mali à travers l’entrée en vigueur du budget programmes depuis l’exercice budgétaire 2018. Il est élaboré conformément à la loi n°2013-028 du 11 juillet 2013, modifiée, relative aux lois de Finances. Cette loi stipule en son article 45 que la Loi de finances de l’année est accompagnée “des Documents de Programmation pluriannuelle des dépenses, tels que prévus à l’article 52 de la présente loi, ayant servi de base à la préparation des budgets des ministères”.
Le DPPD-PAP 2025-2027 est la traduction de la politique budgétaire dont le fondement réside dans le Cadre stratégique de la refondation de l’Etat (CSRE 2022-2031) et son plan d’actions 2022 2026. Il s’inscrit également dans la consolidation des acquis du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD 2019-2023) dans la perspective de l’adoption de la nouvelle Stratégie nationale pour l’émergence et le développement.
Pour rappel, les recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR) ont été traduites en actions gouvernementales dans le Cadre stratégique de la refondation de l’Etat (CSRE), assorti de plans d’actions. Au regard de la vision et des objectifs de la refondation de l’Etat, le CSRE a retenu cinq (5) axes stratégiques, à savoir : gouvernance, réformes politiques et institutionnelles ; défense, sécurité, paix, réconciliation et cohésion sociale ; croissance économique et développement durable ; capital humain, genre et Inclusion sociale ; et jeunesse, sport, culture, artisanat, tourisme et construction citoyenne. A ce titre, les allocations budgétaires dans le DPPD-PAP 2025-2027 serviront à financer les priorités retenues dans les différents axes précités.
Le DPPD-PAP 2025-2027 est structuré par programme à l’intérieur des ministères et institutions et comporte des éléments tels que la mission du ministère ou de l’institution ; les contraintes et défis ; l’évolution des indicateurs socio-économiques finaux non imputables à un programme particulier (au titre des DPPD) ; ainsi que la présentation stratégique du programme ; la description du programme, ses actions et projets ; la présentation détaillée des objectifs et indicateurs avec les valeurs cibles chiffrées ; les prévisions financières par actions et par natures économiques ; la justification au premier franc à travers le détail des actions en activités et projets ; les prévisions des effectifs ; et les autorisations d’engagement (au titre des PAP). La cartographie des programmes du DPPD-PAP 2025-2027 s’appuie sur le décret n°2023 0393/PM-RM du 19 juillet 2023, portant répartition des services publics entre la Primature et les départements ministériels tout en prenant en compte le renforcement du dispositif institutionnel pour la mise en œuvre du processus de réconciliation nationale et de la cohésion sociale qui a occasionné la création de deux programmes opérationnels au sein du ministère de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale.
Ainsi, le budget d’Etat de 2025 s’articule autour de : 141 programmes dont 31 programmes de pilotage, 97 programmes opérationnels, 1 programme des budgets annexes et 12 programmes de comptes spéciaux du Trésor (CST) ; 331 actions dont 122 pour les programmes de pilotage, 190 pour les programmes opérationnels, 7 pour le programme des budgets annexes et 12 pour les programmes des comptes spéciaux du Trésor ; 460 objectifs dont 117 pour les programmes de pilotage, 319 pour les programmes opérationnels, 2 pour le programme des budgets annexes et 22 pour les programmes des comptes spéciaux du Trésor ; 1153 indicateurs dont 271 pour les programmes de pilotage, 813 pour les programmes opérationnels, 14 pour le programme des budgets annexes et 55 pour les programmes des comptes spéciaux du Trésor ; 3 377 activités dont 777 pour les programmes de pilotage, 2 505 pour les programmes opérationnels, 21 pour le programme des budgets annexes et 74 pour les programmes des comptes spéciaux du Trésor.
Comme toute réforme, la mise en œuvre de la réforme budgétaire au Mali n’est pas sans difficultés. Le cadre de performance de certains programmes présente des insuffisances relatives à la définition des objectifs, indicateurs et activités ainsi qu’à la cohérence entre ceux-ci. Ce qui nécessite un renforcement de capacités des acteurs au niveau des ministères et institutions dans le but de perfectionner les prochains DPPD-PAP.
Aussi, dans le cadre de l’amélioration continue des cadres de performance des programmes et pour renforcer la cohérence d’ensemble entre les objectifs, les indicateurs et les activités, certains objectifs ont été reformulés, de même que certains indicateurs ont été modifiés ou remplacés par de nouveaux indicateurs qui sont sensés mieux apprécier l’atteinte des objectifs définis.
A cet effet, les nouveaux indicateurs intégrés, dans le PAP pour la première fois, ne présentent pas de valeurs historiques pour les années antérieures et la définition de leurs valeurs cibles a commencé à partir de 2025 dans le DPPD-PAP. Concernant les indicateurs reformulés, leurs libellés ont changé mais les précisions méthodologiques et les valeurs historiques restent valables.
El Hadj A.B. HAIDARA
Source : Aujourd’hui Mali