Dans l’affaire de l’achat des équipements militaires, l’ancien Directeur de cabinet de la présidence, Mahamadou Camara, a comparu le 1er Octobre 2024 devant la Cour pour expliquer le «rôle» qu’il y a joué, le «mandat» de la présidence décerné à Sidy Mohamed Kagnassy, le point de départ du vaste imbroglio…
«Je me réjouis enfin de parler, puisque ça a trop duré, ça fait quand même 10 ans, ça a trop duré» a affirmé Mahamadou Camara, d’une voix grave et pausée. «Aujourd’hui, je suis contraint et j’ai une gêne que l’on puisse penser que je vais tenir des propos que le président n’aurait pas tenus. » a-t-il introduit.
Quel «rôle» a -t-il joué dans l’affaire ?
«Il m’a été demandé par IBK de produire un document qui permet à Sidy Mohamed Kagnassy, de prouver à ses différents partenaires qu’il était en mission de l’Etat malien». Voilà la demande faite par l’ancien président IBK dans son bureau, qui l’a amené à décerner un «mandat» à Kagnassy.
« Le Mali était en guerre, le nord du pays occupé, pendant 10 mois, des partenaires étrangers présents… rendre la fierté et l’honneur au Mali, c’était d’abord relever l’armée qui était paralysée. On a toujours vu des images de nos soldats mal habillés avec des sandales et autres. Un jour, le véhicule de commandent dans lequel le président devait parader est tombé en panne. Nous étions à la fin du dernier trimestre de 2015 et le président souhaitait que l’armée puisse afficher un nouveau visage». Tel était le contexte dans lequel, le président lui a demandé cela début novembre 2013.
Des interrogations…
Quand l’ancien directeur de cabinet a été placé sous mandat de dépôt, le président était encore en vie, il n’a pas tenté de blanchir son subalterne s’est interrogé la Cour. L’autre interrogation est que le tout premier acte posé par M Camara est la rédaction et la signature de ce mandat qui semblait anodin pour lui mais qui l’a amené loin.
Le contenu du mandat et la mission de kagnassy
«Le mandat composait l’identification de fournisseurs et structurer un financement qui permet au Mali de financer l’achat des équipements». C’est ainsi que le Directeur de cabinet de la présidence a «certifié» que «Sidy Kagnassy et les sociétés qu’il représente sont mandatées par la présidence de la république du Mali concernant l’achat d’équipements militaires». Le document porte sa asa seule signature et pas celle du président. Cela justifie-t-il l’affirmation selon laquelle il a agi en solo, à son compte ?
La Cour a rappelé qu’un autre mandat avait été remis à un avocat concernant le même dossier pour défendre les intérêts de l’Etat et c’est IBK lui-même qui a signé ce mandat. Et pourquoi pas celui de Kagnassy ?
Le mandat, la forme, le fond, la valeur juridique du document…
Le mandat implique trois personnes. D’abord un mandant (celui qui instruit), dans ce cas il s’agit de (IBK), qui donne autorisation à une tiers personne (Mahamadou Camara), pour donner «mandat» à un mandataire (Kagnassy) pour que ce dernier se fasse prévaloir du contenu du mandat. Ainsi, le mandat impliquant trois personnes, il devait y avoir deux signatures, à savoir celle de IBK, le mandant, et celle de Camara chargé de rédiger et faire parvenir le mandat au bénéficiaire. Cela aurait pu justifier l’autorisation et l’implication d’IBK, surtout son accord. Encore que, à révélé M. Camara, le président a même demandé à apporter des modifications au contenu.
L’audience du 4 octobre 2024 : Le processus de paiement et le paiement anticipé…
Il ressort que, au cours de l’exécution du contrat, le paiement de Guo Star pour la livraison des équipements a été anticipé. Présent à la barre en qualité de témoin, Abou Berthé, contrôleur financier au ministère de la Défense, a été entendu dans la matinée du vendredi 4 octobre 2024 quant au paiement anticipé intervenu dans le contrat. Alors qu’il devait être différé d’un an, c’est à dire effectué en 2015 et non en 2014. Le témoin Berthé ne se «rappelle pas malheureusement tout le processus».
Les factures Guo Star et les marges
Il ressort des constats qu’un écart financier existait entre la facture pro forma présentée par le fournisseur Guo Star, comparée à celle des fournisseurs traditionnels du ministère de la Défense. Par exemple, les gilets par balle, avec les fournisseurs traditionnels, étaient cédés à 250.000 Fcfa l’unité, alors que Guo Star les offrait à 650.000 Fcfa l’unité. Df même pour une cartouchière habituellement cédée à 4000 Fcfa, la facture présentée par Guo star affiche 22.000 Fcfa. C’est pourquoi, le Vérificateur général a demandé à moraliser les dépenses et les factures avant le paiement.
Car si au total, l’Etat devait déboursier à Guo Star 69 milliards FCFA, sur la base de ses proforma, le Vérificateur général a estime que les équipements devaient revenir à 39 milliards FCFA, en rationalisant les dépenses. Et la société Guo Star aurait alors «réajusté» sa facture par rapport à celle du Végal. Finalement, «le paiement a été effectué sur la base de la facture du vérificateur général» a reconnu à la barre Abou Berthé contrôleur financier ministère de la Défense au moment des faits. Sauf que, chose troublante pour le ministère public, Guo Star intentera un procès contre l’Etat pour, dit-il, lui réclamer son reliquat alors que c’est la société elle-même qui a réajusté sa facture. Le ministère public défendant les intérêts de l’Etat et étant la partie civile du procès, n’a pas compris ce jeu, sachant bien que c’est la société elle-même qui a raccordé sa facture à celle du VEGAL, après que ce dernier a décelé des marges non moindres pour le fournisseur.
Concernant la livraison effective des biens, Alhousseyni Dicko, délégué du Contrôle financier auprès du MTI, était également un témoin entendu. «En toute sincérité, tous les matériels et quantités citées dans le contrat ont été livrés» a reconnu le témoin, sur la base de sa présence physique, des appréciations des «spécialistes et techniciens présents lors de la réception » a-t-il dit.
Ousmane Tangara
Source : Le Challenger