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Expert en finances, vice-président de la Commission défense et sécurité du Conseil national de Transition (CNT) et président/fondateur du Collectif pour la refondation du Mali (COREMA), Dr Fousseynou Ouattara a récemment accordé un entretien à «Neka TV» (officiel). Il a surtout été question des atouts économiques de la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (fondée le 6 juin 2024 à Niamey, au Niger) dans la perspective de l’émission d’une monnaie propre à cet espace d’intégration politique et économique…

En optant pour la création d’une Confédération le 6 juin 2024, les Etats de l’Alliance du Sahel (AES) ont décidé de conférer leurs compétences dans trois domaines stratégiques que sont la défense, la diplomatie et le secteur du développement économique. «Dans le domaine économique, les perspectives sont meilleures pour les 3 États (Burkina, Mali et Niger) qui ont des raisons légitimes de nourrir des espoirs. C’est un espace qui va attirer les investisseurs dans un futur proche», a assuré Dr Fousseynou Ouattara, économiste et expert en finances. Vice-président de la Commission défense et sécurité du Conseil national de Transition (CNT), il est aussi le président/fondateur du Collectif pour la refondation du Mali (COREMA). «Chacun des trois pays a des potentiels économiques en termes de ressources du sous-sol et aussi en matière de démographie. Le Burkina, le Mali et le Niger comptent près de 80 millions d’habitants. Un atout qui rend l’espace économique attrayant», a-t-il ajouté.



Le Mali a par exemple beaucoup de ressources comme l’or qui, aujourd’hui, occupe une grande place dans les échanges au niveau international en tant que valeur refuge. «Avant, les gens se focalisaient sur le dollar comme moyen de paiement. Mais, les vicissitudes des relations internationales font que, de nos jours, ils sont nombreux ceux qui se sont détournés du dollar. Ils commercent entre eux soit en monnaies nationales, soit en métal, notamment l’or qui intéresse tout le monde», explique l’expert. Cela a naturellement un impact sur le prix du métal jaune qui ne cesse de grimper sur le marché mondial. En début octobre 2024, l’once d’or se vendait à entre 2 600 (plus de 1 572 762 F CFA) et 2 700 dollars (plus de 1 633 253). «Cela est très important pour l’AES d’autant plus que le Mali, le Burkina et le Niger produisent tous les trois de l’or, même si c’est à des degrés différents. Cela est une opportunité d’émergence économique pour la confédération de l’AES», indique Dr Ouattara.

Cet éminent expert et patriote engagé a aussi rappelé que le Mali et le Burkina Faso sont de grands producteurs du coton qui peut aussi créer de la valeur ajoutée pour booster l’économie confédérale. Tout comme le Niger émerge aujourd’hui dans le cercle des pays producteurs de pétrole. «Dans un passé récent, ce pays ne produisait en moyenne que 20 000 barils par jour. Mais, de nos jours, sa production a atteint une moyenne quotidienne de 110 000 barils. Aujourd’hui, les prévisions de croissance économique du Niger vont au-delà des 10 %», souligne le président du Corema.

Reprendre à notre compte l’exploitation et la commercialisation de nos richesses

«Nos trois pays ont beaucoup de choses en commun et qui peuvent les aider à développer une économie commune», dit-il avec une forte conviction patriotique et panafricaniste. A condition bien sûr que nous reprenions le contrôle de l’exploitation et de la commercialisation de nos richesses. «D’habitude, nos richesses étaient entre les mains de certaines puissances qui en disposaient à leur guise. Et celles-ci veulent toujours entraver notre émergence et confisquer notre souveraineté en créant l’insécurité au sein de notre espace», déplore Dr Fousseynou Ouattara. Et de rappeler, «les Groupes armés terroristes (GAT) bénéficient de ces puissances des armes et différents soutiens pour être opérationnels et déstabiliser le Sahel. Ils sont armés et manipulés par des puissances étrangères. L’insécurité ainsi créée est une entrave à notre développement. Elle va retarder notre émergence».

Le président/fondateur du Corema s’est félicité de la décision des dirigeants de l’AES de doter la confédération d’un fonds de stabilisation et surtout d’une banque d’investissement qui va «nous aider à lever des fonds sur les marchés obligatoires ou  boursiers». Pour ce qui est du débat sur la monnaie, Dr Fousseynou Ouattara rappelle, «jusqu’à présent nous évoluons  dans le marché de l’Union économique et monétaire ouest africain (UEMOA). Nous avons en commun le franc CFA qui ne relève pas de nous. Notre politique monétaire est entre les mains de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) derrière laquelle se trouve la France. Ce qui est un sérieux handicap». Et d’insister, «tant que nous ne mettons pas la main sur notre politique monétaire, il y a beaucoup de choses qui vont nous manquer et qui vont freiner notre développement».

«Avec la Banque d’investissement annoncée, on peut s’occuper de la création monétaire, mais pas de l’impression de la monnaie qui relève de la banque centrale. Cela est un facteur important qui peut entraver notre développement», insiste l’expert en finances. «L’émission d’une monnaie va nous permettre de maîtriser totalement notre politique monétaire, don économique», martèle-t-il. «La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), que nous avons quittée, est un espace économique, mais pas monétaire. Même si une monnaie était prévue à sa création. En effet, en 1975, ses dirigeants s’étaient donné 15 ans pour émettre une monnaie communautaire. Elle n’a jamais vu jour pour les raisons que nous devinons tous», se rappelle-t-il.

Quand nos dirigeants ont manqué le courage de s’infiltrer par une brèche ouverte par la France dans les années 90

L’émission d’une monnaie n’est pas seulement une question technique, mais aussi politique, comme l’a une fois rappelé Edouard Balladur (alors Premier ministre de la France) suite à la dévaluation du franc CFA en 1994. On se rappelle que, le 11 janvier 1994, le gouvernement français avait unilatéralement dévalué de moitié le franc CFA. Et six mois après, Edouard Balladur a effectué un voyage officiel de trois jours sur le continent africain (notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire). «Je suis venu vérifier que l’Afrique rentre de nouveau dans le mouvement du monde dont elle risquait d’être marginalisée», avait-il déclaré au Sénégal. Et d’ajouter, «Comme l’Europe, l’Afrique a besoin de stabilité politique et par conséquent de démocratie et de consensus social sans lesquels il n’est pas de développement durable. Comme l’Europe, il lui appartient de rechercher elle-même les moyens de les assurer». Ce qui revient à dire que notre continent, particulièrement la zone Franc, devait et doit chercher à s’insérer dans le mouvement mondial de libéralisation politique, à se passer des aides économiques extérieures…. Malheureusement, nos décideurs n’ont pas eu le courage politique de s’infiltrer par cette brèche pour s’affranchir de l’Hexagone sur le plan économique, monétaire notamment.

«Si nous voulons être souverains et indépendants, il nous faut notre propre monnaie», conseille Dr Fousseynou Ouattara. Il a fait allusion à une nouvelle théorie monétaire qui a fait son apparition en Amérique et selon laquelle quand «un Etat crée sa propre monnaie, il ne peut pas jamais faire faillite parce qu’il a toujours la faculté de créer les moyens de financer son déficit budgétaire». Une théorie à laquelle n’adhèrent pas aussi de nombreux économistes pour qui on ne peut pas financer le déficit budgétaire à l’aide notamment de la planche à billets. Mais, plutôt avec les impôts et les taxes. Et c’est pourtant ce que les Etats-Unis font ou faisaient fréquemment pour se maintenir financièrement à flot.

Selon les explications de l’éminent expert, il est facile de créer la monnaie que d’en émettre car l’émission relève d’une banque centrale. Au finish, souligne Dr Fousseynou Ouattara, «nos trois Etats disposent de beaucoup de compétences pour créer leur propre monnaie sans tomber dans les pièges la dévaluant». En effet, le Mali, le Burkina et le Niger ne manquent pas d’atouts économiques pour garantir une monnaie solide comme garante de leur souveraineté économique !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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