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Le Mali sera éternellement à la croisée des chemins parce que l’indispensable changement restera une chimère tant que les Maliens vont exprimer le patriotisme dans les discours et l’occulter dans les actes. Au lieu de travailler pour s’épanouir et contribuer au développement de notre pays, nous rivalisons de ruses et d’astuces pour s’enrichir aux dépens des deniers publics…

Sciencer ! Selon le dictionnaire des «Synonymes», sciencer renvoie  à penser, réfléchir dans le sens des actions et des attitudes. Il peut aussi renvoyer à «regarder» en termes d’actions, d’attitudes et d’événements. Mais, dans le jargon de notre vieil oncle, il a une autre connotation. «Il faut sciencer pour tirer à son avantage les situations les plus compromises ; pour s’élever parmi les meilleurs et ne pas toujours tirer la queue ; pouvoir sauver son honneur et sa dignité en toute circonstance…» !




C’est l’expression préférée d’un sage qui ne s’est jamais pris au sérieux (par humilité et par modestie) et qui connaissait le Malien plus que n’importe quel sociologue. «Il faut sciencer fiston ! Dôgô (petit frère) ou kôrô (grand frère), il faut sciencer un peu toi aussi». Le message était clair : soit un conseil pour réfléchir afin résoudre un problème donné ou pour éviter de perdre son honneur ou sa dignité dans une situation qui n’est pas tout à fait à ton avantage. Et dans tous les cas, «sciencer» permet de relever la tête car faisant appel à la réflexion profonde face à une situation, un problème, un défi, un obstacle…

Une profonde réflexion pour pouvoir tirer profit des situations les plus compromises ! C’est de cela dont les Maliens ont besoin aujourd’hui pour préserver la souveraineté retrouvée, pour éviter que tous ces sacrifices consentis au nom de la résilience ne soient vains dans quelques années. C’est sciencer qui permettrait au Malien de voir la nécessité de se mettre au travail au lieu de permettre son temps dans du folklore populiste comme organiser un accueil populaire après chaque sortie va-t-en guerre d’une personnalité à une tribune donnée. Si le discours pouvait construire et favoriser l’émergence d’un pays, le Mali serait aujourd’hui envié par le Qatar !

Ces derniers temps, les mouvements de soutien sont entretenus par de vastes réseaux d’escroquerie à grande échelle (il ne faut pas avoir peur des mots). Des réseaux souvent bien organisés pour pouvoir empocher des deniers publics.  Cela est en fait devenu le gagne-pain des opportunistes très habiles dans la création de ces mouvements ou de clubs de soutien à X ou Y… Contrairement à ce que ces «fortes mobilisations» sont supposées exprimer, selon leurs organisateurs, c’est une très mauvaise image de notre pays qu’elles envoient au reste du monde. Celle d’un peuple peu préoccupé par sa précarité grandissante ou son développement socioéconomique et qui perd des minutes voire des heures précieuses à accueillir un dirigeant juste parti accomplir sa mission.

Notre discours fut-il brillant à la tribune des Nations unies, il ne sort pas de l’ordinaire d’une mission nationale comme tous les autres. Parmi tant de pays des Nations unies, nous sommes les seuls à nous illustrer chaque fois par ce genre d’accueil. Au moins nous aurions pu nous inspirer pour une fois des deux autres pays de l’AES dont les discours n’ont pas été moins héroïques. Ces initiatives ne profitent en réalité qu’aux opportunistes qui en tirent les dividendes politiques et surtout financiers ainsi que ceux à qui ils confèrent quelques heures de célébrité. Et curieusement, ces escrocs et opportunistes se font passer pour les champions du patriotisme.

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Le Burkina Faso, un phare et une référence d’engagement patriotique du peuple

Ceux qui ne le suivent pas ou qui osent critiquer leur cupidité manipulatrice sont indexés comme des ennemis de la patrie. Mais, que font-ils réellement pour ce pays ? Nous rappelons par exemple que, à la date du 22 septembre 2024, le Fonds de Soutien patriotique du Burkina Faso s’élevait à plus de 130 milliards de F CFA. Les Burkinabés n’ont pas le temps de parader pour accueillir une personnalité de retour d’une mission officielle. Ils préfèrent sans doute consacrer ce temps à travailler pour mieux vivre à la sueur de leurs fronts et apporter à l’Etat un soutien financier à la hauteur de leurs revenus chaque que cela s’avère nécessaire.

Au finish, on se retrouve avec des millions dilapidés (partagés entres les protagonistes à différents niveaux) dans un accueil populiste alors que des femmes et des hommes peinent pour que leurs familles mangent à leur faim parce que le gouvernement n’a plus d’emprise sur les prix des denrées de première nécessité

Si au Mali le patriotisme c’est rivaliser d’astuces et de soutiens pour vivre du Trésor public, les Burkinabé sont prêts à saigner pour renflouer les caisses de l’Etat. Et c’est  cela le patriotisme. Et cela se fait ressentir entre nos deux pays en toutes circonstances. Le Mali à tous les atouts pour être et rester leader naturel de l’AES. Malheureusement, alors que nous perdons notre temps et toute notre énergie dans du folklore, un pays comme le Burkina avance chaque jour sur du concret en nous montrant permanemment l’exemple à suivre.

En seulement deux ans de transition (30 septembre 2022-30 septembre 2024), les Burkinabé voient au moins quel cap leur pays est en train de réellement amorcer avec des efforts vers l’accès à la souveraineté alimentaire (expérimentation de nouvelles cultures comme l’ananas, la banane plantain…), l’élargissement de l’accès aux soins gratuits à d’autres groupes vulnérables afin d’alléger les charges de leurs familles (des soins d’urgence accessibles à tous, cancer, le diabète, l’hypertension artérielle, la drépanocytose et l’albinisme…) et des logements décents (réduction du prix du sac de ciment), relance de la compagnie Air Burkina qui peut ainsi continuer à tracer son chemin dans le ciel africain depuis sa création en 1967…!

Sur le plan de la santé, il faut aussi rappeler que, dans le «Pays des Hommes intègres», la caution de dialyse (fixée à 500.000 F CFA) est désormais gratuite. Et le coût d’une séance de dialyse a également été fortement réduit, passant de 15.000 F CFA à 2 500 F CFA, soit une réduction de 80 %. C’est aussi cela la réponse des autorités aux sacrifices que les Burkinabé ne cessent de consentir au nom de la résilience.

Il est plus que jamais urgent aujourd’hui de changer de paradigme dans la gestion de notre pays si notre souhait réel est son émergence. Et cela ne se fera pas tant que la volonté de travailler, de se battre au quotidien aussi bien pour ses convictions et que pour la réussite de ses projets, sera éclipsée par le populisme, la courte échelle… Comme le disait le regretté écrivain ivoirien, feu Bernard Dadié, «le travail et, après le travail, l’indépendance, mon enfant. N’être à la charge de personne : telle doit être la devise de votre génération. Et il faut fuir celui qui n’aime pas le travail» ! Hélas, travailler pour vivre à la sueur de son front est devenu dans notre pays la «malédiction» de ceux qui veulent se forger honnêtement un destin à la sueur de leur front. Travailler est considéré comme un manque d’imagination pour mieux vivre sans souffrir.

N’empêche que le meilleur soutien à apporter aujourd’hui à la Transition, c’est de se remettre au travail, créer des opportunités de développement. On nous dira sans doute que l’Etat ne montre pas le meilleur exemple en encourageant les initiatives. Mais comme dirait l’autre, l’Etat c’est qui ? Qui mieux que les citoyens peuvent et doivent le contraindre à assumer ses devoirs régaliens ?

Hamady Tamba

Source : Le Matin

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