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Durant toute la semaine écoulée, l’ancienne patronne de l’Hôtel des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko a été entendue à la barre par les magistrats de la Cour d’assises spéciale pour les crimes économiques et financiers. Après une semaine intense d’audition et de témoignage, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances a livré sa part de vérité dans ce dossier…





Mercredi dernier, la Cour a pu rentrer dans  le fond des débats avec l’audition de Mme Bouaré Fily Sissoko considérée comme l’accusée principale dans cette affaire de “Boeingate” et de surfacturation des équipements militaires après le décès de Soumeylou Boubèye Maïga.

Avant de commencer à répondre aux questions de la Cour, Bouaré Fily Sissoko a tenu à remercier les autorités pénitentiaires de Bollé pour leur magnanimité à son égard et aussi tous ceux qui ont œuvré pour que ce procès ait lieu afin qu’elle puisse livrer sa part de vérité dans ce dossier.

Cependant, à la question si oui ou non elle reconnaît les faits qui lui sont reprochés, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances a tout nié.

“M. le président, je ne reconnais pas les faits. Je les rejette formellement dans leur entièreté. Le contrat de l’achat de l’avion présidentiel a été conclu et signé sous le sceau de la confidentialité par Soumeylou Boubèye Maïga sans mon intervention. Un matin, j’ai reçu un courriel de Soumeylou Boubèye Maïga m’autorisant à effectuer les premiers paiements pour l’acquisition de l’aéronef sans en avoir vu le contrat. Je me suis d’abord entretenue avec l’ancien Premier ministre, M. Ly qui m’a dit que l’Etat du Mali s’est déjà engagé dans ce contrat international avec la signature du ministre de la Défense. Dans un émail, ce dernier m’a ordonné de procéder au paiement tout en respectant les mesures et principes du code de procédure des marchés publics. C’est ainsi que j’ai commencé à procéder aux premiers versements”,  a expliqué Mme Bouaré à la barre.

“Une fois j’étais avec le président feu IBK au palais de Koulouba. Il a fait sortir son téléphone pour me montrer la photo de l’aéronef. Et c’était la première fois de parler avec lui sur l’acquisition de cet aéronef. Sinon je n’ai été engagée ni dans la discussion moins encore dans les négociations de l’acquisition de l’avion. Aujourd’hui, on m’accuse de détournement, alors que je n’ai rien détourné. Mon père m’a élevé dans le sens du patriotisme et le respect des deniers publics. L’éducation que j’ai reçue ne me permet pas de détourner l’argent des pauvres. Parce que cet avion a été acheté avec l’argent de cette pauvre vendeuse d’orange ou d’arachide que vous voyez devant la porte de cette Cour M. le président”, s’est-elle défendue.

Il ressort de l’interrogatoire de feu Soumeylou Boubèye Maïga que l’avion présidentiel a été acheté à 7 milliards de nos francs. Il est précisé également que l’avion n’est pas inscrit dans le patrimoine malien obligeant ainsi au procureur du Pôle économique et financier à tout mettre en œuvre pour que l’avion devienne la propriété du Mali.

A la barre, l’ancienne patronne de l’Hôtel des Finances a balayé d’un revers de main la déposition interrogatoire de feu Soumeylou Boubèye Maïga.

“M. le président, l’avion présidentiel a coûté en tout et pour tout à l’Etat du Mali 18 587 384 738 F CFA. Cet avion présidentiel a été acheté avec l’argent du contribuable malien et dans ce contexte je pense que ce Boeing appartient bel et bien à l’Etat du Mali. Parce que depuis son acquisition il y a 10 ans de cela, le président de la République et les ministres voyagent avec à travers le monde sans problèmes. La preuve personne n’est venu le réclamer et personne n’a jamais présenté une facture pour payer des arriérés de location”, répondra-t-elle.

Dans ce procès tonitruant, le plus grand mystère qui hante la Cour et l’auditoire, c’est le montant exact qu’a coûté l’avion de commandement du président de la République. Parce qu’avant même que ce procès n’ouvre, des montants fantaisistes ont circulé. Les principaux acteurs qui ont conclu ce contrat n’arrivent pas à donner un chiffre précis. Pis aucun des accusés n’arrive à fournir une attestation de service fait de cet aéronef.

Ce qui fait que la Cour se heurte depuis l’ouverture de ce procès à la manifestation de la vérité autour de cette affaire.

Malgré cet obstacle, la Cour continue de creuser.  La semaine dernière,  elle a fait comparaître Tiéna Coulibaly, ancien ministre de l’Economie et des Finances, Bréhima Amadou Haïdara, l’ex-directeur général de la BDM et l’ancien directeur général du Trésor public, Boubacar Ben Bouyé Haïdara pour témoigner.

Si Tiéna Coulibaly et Bréhima Amadou Haïdara disent ne savoir absolument rien dans cette affaire d’acquisition d’aéronef moins encore le coût, l’ancien patron du Trésor public, Boubacar Ben Bouyé Haïdara en sait quelque chose. D’ailleurs son témoignage à la barre a créé l’émoi dans la salle.

Dans son témoignage, il a fait savoir que l’avion présidentiel a coûté 21 420 858 562 F CFA y compris les frais d’entretien, d’assurance et autres.

Au-delà des 21 420 858 562 F CFA que le Trésor a débloqués pour l’achat de l’avion, le directeur du Trésor à l’époque des faits a affirmé avoir reçu en main propre de Fily Sissoko la facture de 15 milliards de F CFA pour paiement et aussitôt rentré à son bureau, il a procédé au décaissement.

Mis sur la sellette, Ben Bouyé  n’a pu apporter des réponses claires et limpides à la Cour sur l’identité de l’autorité qui aurait donné le feu vert pour cette somme.

Après 30 minutes de tergiversation, de tâtonnement, voire même de doute, il a fini par dire que c’est une erreur de paiement faite par eux et que la régularisation est arrivée une semaine après avec la signature de la lettre de crédit signée par la ministre Fily Sissoko. Précisant que ces genres de pratique étaient courants s’agissant des engagements à caractère urgent.

Des affirmations réfutées par Mme Bouaré demandant à situer les responsabilités et que le directeur général du Trésor n’a qu’à dire, de qui il a reçu l’autorisation de paiement.

Face à  cette cacophonie autour de cette mystérieuse transaction de 15 milliards de F CFA, payée sans que l’origine de l’ordre de paiement soit clairement établie, la Cour a demandé à l’ancien directeur du Trésor de fournir, d’ici lundi 30 septembre 2024, des documents cruciaux, notamment la lettre l’autorisant à procéder à ce paiement, le bordereau de réception de l’avion, ainsi que les factures de l’assureur et de l’avocat.

Le public doute fort sur l’existence même de ces pièces justificatives parce que le dossier de l’acquisition de l’avion tirait dans tous les sens.

Après le volet avion présidentiel, Bouaré Fily Sissoko a été auditionnée aussi sur les équipements militaires pendant toute la journée du vendredi 27 septembre 2024. Sur ce volet aussi elle a nié les faits tout en donnant des explications.

A la barre, elle a affirmé tout comme avec l’acquisition de l’avion présidentiel ne jamais avoir participé aux négociations sur les prix des équipements militaires, précisant que Guo Star pouvait apposer une marge bénéficiaire de 10 à 15 %, conformément aux standards internationaux pour ce type de contrat.

“M. le président, en l’absence de mercuriale pour les équipements militaires, il est difficile de vérifier les prix pratiqués, surtout que les fournitures militaires restent spécifiques et soumises à des tarifs libéralisés au Mali depuis 1986. Bien que je n’ai pas été consultée pour ce protocole, j’ai pris mes responsabilités en tant que premier comptable public, en veillant à honorer l’engagement de l’État du Mali en effectuant un premier paiement de 22 milliards de F CFA suivi d’un second effectué par mon successeur, laissant un solde de 25 milliards de F CFA. J’ai effectué ce premier paiement pour ne pas retarder la fourniture d’équipements pour les forces de défense. L’État a fourni une garantie de 100 milliards de F CFA couvrant l’ensemble des protocoles liés au ministère de la Défense. Durant tout le processus, j’ai veillé à la bonne gestion des finances publiques”, déclarera-t-elle.

Cette nouvelle semaine qui commence sera largement consacrée aux équipements militaires avec l’audition de Mahamadou Camara, ex-directeur de cabinet du président IBK qui avait préparé et signé un mandat exclusif au nom de la présidence pour Mohamed Kagnassy, conseiller spécial du président, pour le préfinancement de ce protocole.

Il y aura aussi les témoignages très attendus du général Sidiki Samaké, secrétaire général du ministère de la Défense et des Anciens combattants et celui de Coumba Diarra de la commission de réception des matériels dudit département.

Ousmane Mahamane

Source : Mali Tribune

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