Mme Fily Bouare, ministre des finances
Les débats autour du dossier de l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires se poursuivent à la Cour d’Appel de Bamako. Ce mercredi, Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Économie et des Finances, a pris la parole à la barre pour rejeter fermement les accusations portées contre elle…
Dès l’ouverture du procès, les avocats de la défense avaient tenté de faire invalider la procédure, arguant que la Cour d’Appel n’était pas compétente pour juger d’anciens ministres, qui devraient selon eux être traduits devant une juridiction spéciale. Toutefois, cette demande a été rejetée, permettant aux débats de fond de commencer. Mme Bouaré Fily Sissoko, accusée de “détournements, escroquerie, faux et favoritisme”, a été la première à se défendre. “Je rejette formellement les faits dans leur entièreté”, a-t-elle affirmé dès sa prise de parole, refusant également de verser une caution de 500 millions FCFA pour obtenir sa liberté, une démarche qui, selon elle, aurait été une admission de culpabilité.
« Je suis là pour que la vérité éclate »
Mme Bouaré Fily Sissoko a vigoureusement nié les accusations de détournements de fonds publics. Elle a expliqué qu’elle avait toujours souhaité que l’affaire de l’achat du Boeing présidentiel soit éclaircie : « Je suis là pour que la vérité éclate. J’ai toujours bien servi mon pays », a-t-elle déclaré. Revenant sur des propos tenus dans une lettre rédigée lors de sa détention préventive, elle a affirmé avoir été mise devant les faits accomplis dans le processus d’acquisition de l’avion. « Les contrats d’acquisition me sont parvenus signés par le ministre de la Défense, avec une lettre d’intention d’achat », a-t-elle précisé, soulignant que l’engagement avait été pris sans son aval.
Au cours de son témoignage, l’ancienne ministre a mis en cause l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly, qui, selon elle, était davantage en contact avec les ministres impliqués dans le dossier. Elle a également mentionné le ministre délégué au Budget de l’époque ainsi que la présidence de la République, affirmant que ces acteurs étaient plus directement impliqués dans l’achat controversé.
Un avion à 18,5 milliards FCFA
Interrogée sur le coût de l’avion présidentiel, Mme Bouaré Fily Sissoko a indiqué qu’il s’élevait à plus de 18,5 milliards de FCFA. Elle a justifié cet achat en expliquant que la location d’un avion pour les déplacements du président coûtait 330 millions FCFA par mois, ce qui, selon elle, rendait l’acquisition d’un avion nécessaire. « Son achat n’était pas prévu dans le budget, mais le Premier ministre, Oumar Tatam Ly, m’a dit de trouver une formule. C’était une décision de principe », a-t-elle défendu.
Tout au long de son témoignage, l’ancien chef du gouvernement Oumar Tatam Ly a été régulièrement mentionné. La défense avait d’ailleurs demandé sa comparution, ainsi que celle de son successeur Moussa Mara et du ministre délégué au Budget, mais la Cour a rejeté cette requête.
Des soupçons de détournement et de favoritisme
L’absence de transparence dans les contrats d’achat de l’aéronef présidentiel et des équipements militaires, passés sans appel d’offres, a suscité des suspicions de détournement et de favoritisme. Une enquête menée par le Fonds Monétaire International (FMI) a révélé des irrégularités, entraînant une suspension temporaire des décaissements en faveur du Mali. Bien que cette affaire ait été classée sans suite sous le régime du défunt président Ibrahim Boubacar Keïta, elle a été rouverte en 2021 par la Cour Suprême, qui s’est déclarée compétente pour juger les principaux accusés. Le procès continue, et les débats de fond devraient se poursuivre dans les prochains jours, avec une attention particulière sur la gestion des fonds publics et la transparence des procédures d’acquisition.
Madiassa Kaba Diakité
Source : Le Républicain