Ce matin, dans décryptage, une situation de guerre menace un principe fondateur du Mali, l’indivisibilité…
Situer les responsabilités
“Le Mali est une République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale”, article 30 de la Constitution du 22 juillet 2023. Règle fondamentale de l’Etat, couramment reprise dans la loi fondamentale, l’indivisibilité suppose que chacun doit cultiver et défendre l’unité de la République. Un objectif qui ne peut être atteint sans un sentiment d’appartenance des Maliens à la République.
Lorsque le 17 septembre 2024 à Bamako, l’école de gendarmerie et le camp 101 (plateforme de drones) sont visés par les narcoterroristes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gnim) d’Aqmi, ce sont des symboles de l’indivisibilité qui ont été ciblés.
Certes le bilan officiel n’est pas encore connu. Mais cette double attaque, commise à cinq jours du soixante-quatrième anniversaire de l’indépendance du Mali, est sans précédent. Coïncidence ? L’avenir nous le dira. En attendant, espérons que les enquêtes situent les responsabilités.
Pour l’heure, ces événements disent quelque chose de la montée de la terreur. Ils rappellent la fragilité de l’outil sécuritaire. Enfin, ils nous envoient un message : placer le Mali dans une situation de guerre totale.
Attaques au cœur du pouvoir
Certes, “la situation est sous contrôle”, selon l’Etat-major des armées. Il n’empêche que désormais nous rentrons dans le dur. L’imprévisible prend le pas sur le prévisible. La guerre informationnelle et les fausses nouvelles pullulent. Elles apeurent. La psychose gagne une partie des Bamakois.
“Ce matin avant d’aller à mes rendez-vous au centre-ville, j’ai demandé à la famille que ma porte soit fermée à double tour pour éviter que tout suspect ne s’y réfugie”, témoigne un habitant de Faladié, un des quartiers jouxtant l’école de gendarmerie et la zone aéroportuaire. Rappelons que, par le passé, Bamako a été la cible d’attaques narcoterroristes.
Le 7 mars 2015 à Bamako, sous le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), l’attentat du groupe Al-Mourabitoune, rebaptisé depuis 2017 Gsim, contre le restaurant “La Terrasse” fait cinq morts. Le 20 novembre 2015, toujours sous le régime d’IBK, Al-Mourabitoune prend en otage les clients de l’hôtel Radisson Blu. Bilan : une vingtaine de morts. Bamako, cœur du pouvoir, est gagné par la violence. D’ailleurs, ces attentats marquèrent le début d’une descente aux enfers du régime d’IBK, qui s’écroulera sous le poids du narcoterrorisme le 18 août 2020.
Un coup de canif
Depuis, la violence et la criminalité s’installent. Evidemment, les risques d’embrasement sont réels. Mais, il devient urgent de réaliser des unions permettant de résister et de penser le Mali au-delà de Bamako. Evidemment, les Maliens sont psychologiquement éprouvés. Mais les digues de la République ne doivent pas céder. Evidemment, il y a eu une faiblesse des renseignements.
Rappelons que le renseignement est un métier pour aider à la décision. La connaissance des rivaux, la collecte d’informations et leur exploitation, la planification d’opérations, etc., sont nécessaires pour repousser les menaces. Mais, le 17 septembre 2024 est un coup de canif dans les renseignements.
Ne le prenez pas mal. Ceci dit, la lutte contre le narcoterrorisme doit tous nous concerner. À ce titre, les attentats du 17 septembre nous invitent à construire un plan de maîtrise sécuritaire où toutes les solutions aussi bien politiques que militaires sont recherchées. Un plan de maîtrise sécuritaire pour ériger une nation plurielle où Khassonké, Soninké, Malinké, Mianka, Targui, Dogon, Bozo, Sénoufo, Peul, Bambara, Bobo, Senoufo, Arabe, Songhay, etc. retrouve sa place.
A partir de ces éléments-là, de nouvelles stratégies sur la lutte contre le narcoterrorisme pourraient se concrétiser. Et pour mener à bien ce projet, la résistance contre les tentatives de division est nécessaire. Au-delà des considérations personnelles, ces attaques doivent être exploitées comme une opportunité pour incuber les meilleures réponses contre le risque de guerre généralisée. Le Mali doit nous saisir tous.
Mohamed Amara
Sociologue
Source : Mali Tribune