Les chefs de file de La France insoumise accusent Emmanuel Macron de « coup de force institutionnel contre la démocratie » pour son refus « de prendre acte » du résultat des législatives de juillet. Dans un texte paru dimanche dans La Tribune, ils menacent d’engager une procédure de destitution…
« Démettre le président plutôt que nous soumettre. » Le ton est donné par les Insoumis dès le titre de leur texte publié ce dimanche dans La Tribune. Les chefs de file de La France insoumise menacent d’engager une procédure de destitution contre Emmanuel Macron, qu’ils accusent de « coup de force institutionnel contre la démocratie » pour son refus « de prendre acte » du résultat des élections législatives de juillet dernier.
« Nous donnons à cette tribune un rôle concret d’avertissement solennel », écrivent les co-signataires, dont le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, le coordinateur du parti Manuel Bompard ou encore la patronne des députés LFI Mathilde Panot. Emmanuel Macron « doit savoir que seront utilisés tous les moyens constitutionnels de le démettre plutôt que nous soumettre à son mauvais coup contre la règle de base de la démocratie : en France, le seul maître est le vote populaire », insistent-ils.
Alors qu’Emmanuel Macron doit consulter vendredi prochain les forces politiques en vue de former un gouvernement, près d’un mois et demi après les élections législatives anticipées, les Insoumis mettent en garde le président qui « serait sur le point de nommer un chef de gouvernement sans tenir compte du résultat politique » de ce scrutin, qui a placé en tête la gauche unie au sein du Nouveau Front populaire (193 députés), mais loin de la majorité absolue (289 députés).
Emmanuel Macron a écarté le 23 juillet l’hypothèse de nommer la représentante du Nouveau Front populaire Lucie Castets à Matignon, arguant qu’elle ne parviendrait pas à réunir une base suffisante à l’Assemblée pour gouverner. Depuis, circulent notamment les noms du président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand, ou encore de l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve. « On peut qualifier de coup de force institutionnel contre la démocratie la décision du chef de l’État », déplorent les Insoumis.
De nombreux obstacles à la procédure
Les signataires de la tribune invoquent donc l’article 68 de la Constitution, qui permet au Parlement de destituer le président pour « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». « Il est évident que le refus de prendre acte d’une élection législative et la décision de passer outre constituent un manquement condamnable aux exigences élémentaires du mandat présidentiel », plaident les signataires de la tribune.
Une telle procédure doit cependant franchir plusieurs obstacles. Il faut tout d’abord convaincre l’Assemblée nationale et le Sénat de se constituer en « Haute cour », ce qui passe par une proposition de résolution qui doit être successivement validée par le Bureau de l’Assemblée (le NFP y dispose d’au moins 12 voix sur 22), puis adoptée en commission des Lois, et dans l’hémicycle à une majorité des deux tiers. Un parcours similaire doit ensuite être effectué au Sénat. Une fois la Haute cour constituée, celle-ci dispose d’un mois pour statuer, à bulletins secrets, sur la destitution, là encore à une majorité des deux tiers.
« Si ce moyen d’action contre le coup de force de Macron devait être utilisé, il faudrait évidemment l’expliquer avec soin devant notre peuple et organiser méthodiquement son utilisation », font valoir les Insoumis. Si LFI, avec 72 députés, peut théoriquement déposer seul sa proposition de résolution (il faut 1/10e des 577 députés pour le faire), le parti de gauche radicale dit vouloir agir sur une « base aussi collective que possible ». « C’est pourquoi nous estimons que c’est aux chefs des partis de notre coalition et aux présidences de nos groupes parlementaires d’en débattre et de prendre respectivement leur décision », affirme-t-il.
Une initiative pas soutenue par le PS
Mais le patron du Parti socialiste Olivier Faure a d’ores et déjà fait savoir qu’il écarte l’hypothèse d’un soutien de son parti à toute procédure de destitution d’Emmanuel Macron. Sur X, il indique préférer la « censure » si le président refusait de nommer un Premier ministre issu de la gauche.
De son côté, la cheffe des écologistes Marine Tondelier, interrogée par La Tribune, élude : « Je n’ose imaginer qu’Emmanuel Macron ne nomme pas Lucie Castets. En tout cas, mon énergie et celle des Écologistes sont prioritairement employées à ce qu’il le fasse », répond-elle.
Source : France Bleu