Quatre mois après l’arrivée des nouvelles autorités au pouvoir, le secteur de la presse sénégalaise se trouve à un carrefour critique. Pour attirer l’attention sur les difficultés profondes qui affectent leur secteur, certains patrons de presse ont appelé à une « journée sans presse » ce mardi 13 août 2024, estimant que les médias vivent « une des phases les plus sombres de leur histoire »…
Cette initiative, lancée par le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), n’a cependant pas fait l’unanimité, révélant une fracture au sein du paysage médiatique du pays.
Dans un éditorial commun publié le jour même, le CDEPS a mis en garde contre les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse au Sénégal.
Cette journée sans publication visait à dénoncer les conditions de plus en plus précaires dans lesquelles évoluent les médias sénégalais, notamment en raison de pressions économiques et politiques.
Toutefois, plusieurs grands titres, dont Rewmi Quotidien, Walfadjri, Le Soleil, et Le Témoin, ont décidé de ne pas suivre ce mouvement, maintenant leur parution comme à l’accoutumée.
L’Association des Patrons et Éditeurs de Presse du Sénégal (APEPS) a exprimé son désaccord avec l’initiative du CDEPS. Tout en réaffirmant son attachement à la liberté de la presse, l’APEPS a critiqué la journée sans presse, la qualifiant d’inutile et soulignant que les véritables problèmes résident dans la fiscalité des entreprises de presse et les conditions économiques difficiles que traverse le secteur.
L’APEPS a également insisté sur le fait que cette initiative ne reflète pas les intérêts de tous les acteurs des médias.
Le climat de tension entre l’État et les médias est exacerbé par des déclarations du Premier ministre Ousmane Sonko, qui a dénoncé fin juin ce qu’il considère comme des « détournements de fonds publics » par certains patrons de presse.
Il a également critiqué les pratiques journalistiques qu’il juge irresponsables, attisant ainsi la crainte d’une répression accrue contre la liberté de la presse. Ces propos ont été perçus par de nombreux professionnels du secteur comme une menace directe à leur indépendance.
Le Sénégal, autrefois un modèle en matière de liberté de la presse en Afrique, a vu sa position dégringoler dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF), passant de la 49e place en 2021 à la 94e place cette année.
Ce recul témoigne des défis croissants auxquels est confrontée la presse sénégalaise, alors que les acteurs du secteur luttent pour maintenir leur indépendance et leur viabilité économique dans un contexte de plus en plus difficile.