Le Bureau du vérificateur général a décelé dans la gestion de la Société Energie du Mali (EDM SA), au titre des exercices 2020, 2021, 2022 et 2023 (31 octobre), une irrégularité de 92 milliards F CFA…
La mission de vérification du BVGAL, souligne le rapport a constaté que le Ministère chargé de l’Energie et EDM- SA ne procèdent pas à la revue quinquennale de la concession de la EDM-SA. En effet, aucune preuve de tenue d’une revue quinquennale au cours de la période couverte par la vérification n’a pu être mise à la disposition de l’équipe de vérification.
«Le Ministère chargé de l’Energie n’a pas mis fin à la concession de la Société Albatros Energy, malgré l’aggravation du déséquilibre financier de la Société EDM-SA due en partie à a Société Albatros Energy.
De janvier 2020 à mai 2022, sur un montant total de 32,773 milliards de FCFA payé à la société Albatros Energy par le Directeur Général de la Société EDM-SA, 57% ont été payés pour une énergie non produite, non enlevée et non consommée par la Société EDM-SA ».
Le rapport poursuit que « Le Commissaire aux Comptes et le Conseil d’Administration n’ont pas veillé sur la continuité de l’exploitation de la Société EDM-SA.
En effet, le Commissaire aux Comptes n’a pas alerté le Conseil d’Administration au cours de la période sous revue alors que les états financiers révélaient que la continuité de l’exploitation de la société était compromise durant toute ladite période».
Le Directeur Général de la Société EDM-SA n’est pas sans reproche. Le rapport affirme qu’il n’a pas respecté les clauses contractuelles d’un marché de fourniture de groupes électrogènes en souffrance.
En effet, dans le cadre de l’exécution du Contrat n°22/522DG/DP du 6 décembre 2022 relatif à la fourniture et installation de 29 groupes électrogènes neufs conteneurisés de type «Perkins» et transformateurs pour les centres de l’intérieur de la Société EDM-SA, le fournisseur a fourni des groupes électrogènes de faibles capacités avec des problèmes techniques après le paiement d’une avance de démarrage de 1,88 milliard de FCFA.
Attribution de marchés à des fournisseurs incompétents
La Société EDM-SA attribue des marchés de groupes électrogènes à des fournisseurs qui n’ont pas entièrement exécuté des marchés antérieurs.
En dépit des défaillances constatées dans l’exécution des marchés antérieurs, elle a encore attribué par entente directe trois marchés à un fournisseur n’ayant pas entièrement exécuté trois marchés, et un marché à un autre fournisseur n’ayant pas entièrement exécuté un marché antérieur.
« La Société EDM-SA ne procède pas au recouvrement exhaustif des recettes. La Société EDM-SA n’a pas recouvré des impayés sur recettes de 2020 à octobre 2023, d’un montant de 106, 648 milliards de FCFA.
Bien que la coupure et la résiliation des abonnements s’appliquent à tous les clients ayant au moins une facture échue, les impayés devraient faire l’objet de procédure de pré contentieux et de contentieux au lieu de les garder dans les livres de la Société EDM SA sans évolution notoire.
La Société EDM-SA n’a pas payé à l’Etat du Mali à travers la Direction Générale des Domaines et du Cadastre la redevance unique pour l’utilisation des trois centrales hydroélectriques pendant la période sous revue.
Il s’agit de l’usage et l’exploitation de l’ensemble des installations de production hydroélectrique de Sélingué, de Sotuba et de Félou mises à sa disposition.
Le montant de la redevance pour les trois centrales s’élève à 600 millions de FCFA par an soit un montant total de 2,300 milliards de FCFA pour la période sous revue ».
Procédure d’acquisition biaisée
La Société EDM-SA utilise des procédures d’acquisition de combustibles non prévues dans son manuel de procédures internes.
Dans le cadre de l’acquisition des combustibles, la Société EDM-SA utilise d’autres procédures spécifiques de passation non autorisées par les procédures internes et non prévues par les procédures nationales de passation de marchés.
Le Directeur Général de la Société EDM-SA a irrégulièrement conclu des contrats par entente directe dans le cadre des achats de combustibles.
Il a conclu des protocoles d’accord valant contrat de suppléance de montant largement supérieur au seuil des 3% du chiffre d’affaires hors taxes de l’activité « Electricité » de l’exercice précédent sans les conditions de dérogation.
Les Commissions d’ouverture et d’évaluation des offres procèdent à des attributions irrégulières des marchés de combustibles. Elles ne respectent pas les critères d’évaluations de offres.
En effet, lesdites commissions procèdent à l’évaluation des offres et au classement soumissionnaires mais attribuent des quantités de combustibles aux offres évaluées moins disantes inferieures à celle du 2ème et le reste au 3ème sans aucune indication dans le DAO.
Il ressort également que chaque lot a été attribué à trois fournisseurs, soit trois marchés par lot, donc six marchés pour les deux lots au lieu de deux.
Irrégularités financières
La vérification a également relevé des irrégularités financières d’un montant total de 92 149 419 533 FCFA. Elles sont relatives à l’augmentation irrégulière du prix de l’énergie achetée par la Société EDM-SA à Albatros Energy sur décision du Ministre chargé de l’énergie pour un montant de 7 358 762 523 FCFA ; au montant de l’Impôt sur le Revenus des Valeurs Mobilières pour 32 904 000 FCFA payé sur ressource EDM en lieu et place des membres du Conseil d’administration de la Société EDM-SA; au paiement indu à Albatros Energy d’énergies non produites et non livrées à EDM-SA pour un montant de 18 665 648 762 FCFA ; au paiement indu à Albatros Energie au titre du financement des cuves pour un montant de 1 465 944 480 FCFA ; aux dépenses indues à travers trois contrats additionnels non justifiés au profit d’un fournisseur pour un montant cumulé de 278 333 210 FCFA ; au montant de 526 372 338 FCFA payé pour la fourniture à Bougouni d’un groupe électrogène qui n’a pas fonctionné avant la réception définitive ; au montant de 294 800 940 FCFA payé pour la fourniture à Bougouni de deux groupes électrogènes qui n’ont pas fonctionné avant la réception définitive; au montant de 161 237 880 FCFA payé pour la fourniture d’un groupe électrogène livré à Kangaba puis enlevé par le fournisseur pour des besoins de réparation mais ne l’a pas remis à sa place depuis trois ans; au montant de 332 156 012 FCFA payé à un fournisseur pour deux (2) groupes électrogènes non livrés à Sévaré; au montant de 297 688 602 FCFA payé à un fournisseur qui pour cinq groupes électrogènes ne disposant pas des puissances contractuelles requises ; au montant de 438 987 279 FCFA versé à deux fournisseurs qui ont livré à Gao et à Diboli des groupes électrogènes avec les puissances contractuelles non conformes ; aux frais d’escompte irrégulièrement supportés par la Société EDM-SA à la place de certains fournisseurs de carburant pour un montant de 12 260 566 364 FCFA ; à la dotation en carburant non due au Ministère de l’Energie et de l’Eau pour un montant de 38 116 360 FCFA ; au non-respect de modalité d’octroi des avances et prêt par le Directeur Général et le Directeur des Ressources Humaines de la Société EDM-SA ; aux divisions de lots et attributions irrégulières des marchés de combustibles par des membres des commissions d’ouverture et d’évaluation des offres à hauteur de 3 491 086 623 FCFA ; au payement de la TVA sur des achats exonérés pour un montant de 30 573 371 990 FCFA ; aux pénalités de retard non retenues sur des marchés pour un montant de 9 919 796 668 FCFA ; aux amendes fiscales pour non-enregistrement de 550 contrats pour 55 000 000 FCFA ; à la redevance de régulation non acquittée sur les marchés ne comportant pas le cachet des impôts pour un montant de 2 755 376 127 FCFA ; aux droits de timbre non reversés aux impôts pour un montant de 3 203 269 375 FCFA
Les faits relevés dans le rapport de vérification et qui sont susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale et à la législation budgétaire et financière concernant ces irrégularités financières ont été dénoncés au Procureur de la République du Pôle National Economique et Financier et transmis au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême, au Directeur Général des Impôts et au Président de l’Autorité de Régulation des Marchés publics et des Délégations de Service public.
Issa Diawara
Source : Arc en Ciel