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De son piédestal de premier producteur africain de coton, le Mali a chuté jusqu’à la troisième place à la suite de la campagne cotonnière 2022-2023. C’est le résultat d’une mauvaise gouvernance aggravée par la découverte, pour la campagne 2024 en cours, par le détournement de l’engrais subventionné, l’achat d’une mauvaise qualité de pesticides que l’on a tenté de dissimuler par des manœuvres pour tromper la vigilance d’une mission d’enquête envoyée sur le terrain par le président de la Transition…

Tels sont quelques mobiles – et pas des moindres- qui ont conduit au limogeage du ministre de l’Agriculture et du PDG de la CMDT.


Dans le secteur agricole du Mali, on ne parle que de la maldonne notée dans la distribution des engrais subventionnés, surtout depuis que la Direction régionale du commerce et de la concurrence de Sikasso a découvert une filière de revente de l’engrais subventionné au marché noir.

Les sacs d’engrais trouvés dans le magasin du revendeur, à Sikasso, étaient dissimulés sous des sacs d’autres denrées.

Du vrai marché noir qui confirme les complaintes des paysans qui ne cessent de dénoncer une insuffisance de l’engrais subventionné, s’ils ne nient pas d’ailleurs son existence parce qu’ils ne le voient pas. Ils ne pouvaient parler autrement puisque l’engrais subventionné prenait d’autres destinations.

En effet, cet engrais qui devait être distribué aux agriculteurs au prix de 14.000 FCFA le sac de 50kg était revendu à 27.500 FCFA sur le marché noir. Une vraie maldonne dans la gestion de l’engrais subventionné.

A ce détournement de l’engrais subventionné, il faut ajouter la qualité douteuse de l’engrais fourni aux cotonculteurs, par endroits. Ce qui a certainement joué sur les récoltes. Le résultat affiché dénote une campagne cotonnière moins bonne par rapport à celle des années précédentes.

Mais la question de l’engrais n’est que la face visible de l’iceberg. Il y a pire : le scandale autour des produits insecticides pour traiter les cultures de coton.

Le président de la Transition se voyait obligé de retarder la signature du Décret concernant la fourniture de ces produits pour la campagne de 2024, en attendant les conclusions d’une mission d’enquête qu’il a envoyée sur le terrain.

Cela fait suite à la publication d’une information, selon laquelle, en zone CMDT à Kita, les mauvais produits de traitement des cultures, de par leur grande toxicité, seraient à la base de morts hommes.

La Direction Générale de la CMDT, en apprenant le déploiement de cette mission, a paniqué. Aussitôt, des instructions ont été données aux Administrateurs Généraux (AG) au niveau des différentes zones, les intimant de choisir et de préparer des coopératives et dans les zones de production, en ce qui concerne leurs réponses aux questions de la mission envoyée par Koulouba.

En fait, on demandait aux contonculteurs de déclarer qu’ils n’ont que le restant d’anciens stocks. C’est pour montrer des produits non mis en cause.

Plus grave, à la CMDT qui a distribué des pesticides à certaines zones pour la présente campagne, on demandait aux paysans de cacher les nouveaux produits et de dire à la Mission qu’ils attendent d’ailleurs qu’on leur apporte rapidement les pesticides de la présente campagne.

Une façon de manipuler la mission envoyée par Koulouba afin qu’elle ne puisse voir ou connaître l’existence des pesticides déjà fournis par la présente campagne cotonnière. Des noms de produits qui composent d’anciens stocks, non mis en cause, ont été même indiqués aux cultivateurs.

Ces derniers devaient les mettre en avant pour tromper ainsi la vigilance des membres de la Mission.
Mais le président de la Transition, ayant plusieurs canaux d’informations pour découvrir toute la vérité, ne pouvait laisser passer ce genre de manœuvres tendant à maquiller le désastre sur le terrain.

C’en était trop !

Le détournement présumé des engrais et la distribution de mauvais pesticides ont certes précipité le départ du ministre de l’Agriculture et le PDG de la CMDT, mais de façon générale la mauvaise gouvernance des deux dernières campagnes cotonnières a provoqué la colère des producteurs qui menaçaient même d’abandonner la culture du coton, si cela persistait.

Il était temps, vraiment temps, pour le président de la Transition de secouer le cocotier pour donner l’espoir d’une meilleure gouvernance aux agriculteurs qui ne cessent de se plaindre.

Mais surtout pour relancer la culture du coton qui a enregistré des contreperformances, au point que, quittant son piédestal de premier producteur en Afrique, le Mali est descendu jusqu’à la Troisième (3è) place derrière le Bénin et le Burkina Faso.

En effet, à l’issue de la réunion annuelle du Programme régional de production intégrée du coton en Afrique (PR-PICA) tenue à Abidjan le 12 avril 2024, il a été publié le classement des pays africains producteurs de coton, avec les données suivantes : le Bénin (1er) avec une production de 587 656 tonnes ; le Burkina Faso (2è) : 411 969 tonnes ; le Mali (3è) : 390 000 tonnes ; le Cameroun (4è) : 315 200 tonnes) ; la Côte d’Ivoire (5è) : 236 186 tonnes ; le Tchad (6è) : 130 216 tonnes ; le Togo (7è) : 52 520 tonnes et le Sénégal (7è) : 13 129 tonnes.

Le président de la Transition qui suit particulièrement l’évolution de la filière cotonnière sur laquelle il compte beaucoup pour faire tourner des filatures au Mali – des projets sont en cours de réalisation – en plus de la reprise des activités de la Comatex, ne peut que réagir et sanctionner la mauvaise gouvernance du secteur agricole, particulièrement les contreperformances de la filière cotonnière.

C’est vrai que le Ministre a voulu donner la tête du PDG dont il prônait le départ, mais le fusible n’a pas sauté et le court-circuit a atteint la tutelle de la CMDT.
Autrement, disons qu’en secouant un cocotier, des fruits moins mûrs peuvent aussi tomber.


Amadou DIARRA

Source : Aujourd’hui-Mali

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