Le thé du Sahel est tiré, la CEDEAO n’aura d’autre choix que de le boire. Toutes les tentatives pour faire fléchir le Général Abdouramane Tiani, le Colonel Assimi Goita et le Capitaine Ibrahim Traoré ont été infructueuses, même celles du nouveau Président fraichement et brillamment élu du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye…
Ils sont même passés à la vitesse supérieure en fondant leur Confédération, non seulement au nez et à la barbe de leurs pairs de la sous-région, mais aussi et surtout à la veille du sommet ordinaire de la CEDEAO qui devrait inscrire à son ordre du jour la crise au sein de trois Etats membres de l’organisation qui sont en rupture de ban avec elle, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les Chefs d’Etats de la CEDEAO ne peuvent que prendre acte de cette décision cruciale prise par trois Etats membres qui ont décidé de la quitter pour mettre une Confédération dénommée Confédération AES. Le tort de la CEDEAO doit-il être un prétexte pour ces trois Etats de créer la confédération AES ? Que se cache réellement derrière cette décision des trois Présidents de transition ? Quelles pourraient être les conséquences de la décision de retrait de la CEDEAO ?
Sans savoir la teneur du communiqué final issu du sommet ordinaire de la CEDEAO tenu le dimanche 7 juin 2024 à Abuja au Nigéria, nous sommes fondés à croire que la CEDEAO prendra seulement acte de la décision de trois chefs d’Etats de tourner définitivement la page de la CEDEAO pour créer la Confédération AES.
Le tort de la CEDEAO doit-il être un prétexte pour ces trois Etats de créer la confédération AES ?
Cette décision de mettre sur les fonts baptismaux une confédération, pour la plus controversée qu’elle soit, prouve à suffisance que l’organisation sous régionale après près de cinquante ans d’existence, n’a pas été à la hauteur de l’espérance que les peuples avaient placé en elle. Retard dans la mise en place de certains organes comme la force conjointe censée lutter contre le terrorisme et être un rempart contre les coups d’Etat, manque de leadership des présidents qui se laissent manipuler par d’autres qui ne sont pas de la zone, la création de la monnaie unique Eco afin de résoudre l’épineuse question de souveraineté monétaire tarde à se concrétiser, le non soutien aux pays en détresse comme ceux du sahel qui font face au péril terroriste. La liste est loin d’être exhaustive. Nonobstant toutes ces failles la CEDEAO apparait comme étant la meilleure organisation en Afrique, car elle est parvenue à réaliser certaines prouesses qui n’ont d’égal dans aucune zone sous régionale en Afrique, notamment la libre circulation des personnes et de leurs biens, les tarifs douaniers communs pour ne citer que ces deux grandes prouesses. Les chefs d’Etats de l’AES ne pouvaient-ils pas rester au sein de la CEDEAO et se battre pour la réformer, comme l’avait d’ailleurs proposé le Président Sénégalais Bassirou Diomaye Faye ? Le tort de la CEDEAO ne saurait nullement être un prétexte pour les trois chefs d’Etat de l’AES de créer la Confédération AES, à moins qu’un autre agenda ne se cache derrière cette décision.
Que se cache réellement derrière cette décision des trois Présidents de transition ?
C’est la lancinante question que beaucoup d’observateurs se posent. Rien qu’en essayant de faire un parallèle entre la CEDEAO et les autres organisations sous régionales africaines et en analysant les différents résultats auxquels elle est parvenue, les trois chefs d’Etats de l’AES auraient dû rester au sein de cette organisation, quitte à avoir l’AES à côté pour des questions spécifiques liées à la sécurité et même au développement. Pour rappel il y avait le Liptako Gourma ou tout récemment le G5 Sahel, Ces structures n’ont jamais été des obstacles à la bonne marche de la CEDEAO. Plus grave encore, la décision du retrait de la CEDEAO a été prise sans le consentement des peuples au nom desquels elle l’a été. Un referendum aurait été mieux pour savoir si les peuples adhèrent ou pas à cette initiative. Les langues commencent à se délier même au sein de l’AES pour dénoncer le retrait de la CEDEAO qui n’aurait d’autres motivations que celle de se maintenir au pouvoir en échappant aux principes de la CEDEAO. Nombreux sont les observateurs qui approuvent la création de l’AES pour faire face à l’insécurité, mais qui sont contre le retrait de la CEDEAO, cette organisation intégratrice.
Quelles pourraient être les conséquences de la décision de retrait de la CEDEAO ?
La toute première conséquence du retrait de trois Etats de l’AES de la CEDEAO serait la caducité de tous les principes et accords qui lient les autres Etats de la CEDEAO aux trois pays. Donc l’AES serait obligé d’entamer des nouvelles négociations avec les 12 Etats out tout au moins avec les Etats frontaliers de ceux de l’AES pour parvenir à des nouveaux accords. Autres conséquences seraient le renoncement à tous les produits portant la marque de la CEDEAO comme le passeport, la carte biométrique et d’autres documents administratifs communs, ce qui entrainerait forcement une entrave à la libre circulation des personnes et de leurs biens. Que dire de la monnaie commune en gestation qui est l’ECO ? Un rêve qui est en passe de devenir une réalité et qui permettrait aux Etats de la CEDEAO d’avoir un seul marché commun de plus 300 millions d’habitants avec une monnaie unique qui circulerait entre les Etats, facilitant les transactions financières et permettant de faire face aux autres ensembles. L’effritement aura pour conséquence l’affaiblissement de l’organisation face aux autres sous-ensembles. Bref tout porte à croire que la décision du retrait de la CEDEAO a été prise sous le coup de l’émotion et que la ferveur voire l’euphorie qui accompagne la création de la Confédération AES s’estompera bientôt pour laisser place à la réalité. D’ailleurs comme dirait l’autre, seul le terrain commande.
En définitive, toutes les deux parties doivent faire preuve de maturité et surtout être mues par les seuls intérêts des peuples au nom desquels toutes ces actions sont posées. Pour éviter que les deux organisations ne soient rivales voire antagoniques il y a lieu de maintenir un dialogue permanant, en laissant une fenêtre ouverte pour un éventuel retour des Etats de l’AES au sein de la grande famille de la CEDEAO.
Youssouf Sissoko
Source L’Alternance