Depuis les années 2020 la situation politico-sécuritaire des pays du Sahel, en l’occurrence du Burkina Faso, Mali, Niger, devient de plus en plus préoccupante. C’est notamment cette situation qui incita les élites militaires maliennes, burkinabé, nigérienne à prendre les rênes du pouvoir par des Coup d’Etat. Après ces changements anticonstitutionnels, la CEDEAO infligea une sanction très lourde contre ces pays récalcitrants. Malgré la levée de ses sanctions de la CEDEAO, les trois pays désormais regroupés au sein de l’AES, ont décidé de quitter l’organisation sous-régionale. Depuis le torchon ne cesse de brûler entre certains pays (faucons) de la CEDEAO et ces pays de l’AES.
C’est notamment le cas entre le Benin et le Niger. Ce dernier refusant de rouvrir ses frontières avec son voisin qui l’a déjà rouvert. Cette tension entre ces deux pays peut-elle être considérée comme la menace de la guerre froide entre les Grades Puissances dont l’Afrique serait l’hôte?
La CEDEAO avait infligé des sanctions politique, économique et diplomatique aux régimes militaires qui avaient pris le pouvoir de façon anticonstitutionnelle. Pour punir les acteurs de ce changement anticonstitutionnel, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDAO) avait envisagé d’intervenir militairement pour déloger le Général Abdourahamane Tiani, auteur du putsch au Niger, le 26 juillet 2023. Ces actions militaires envisagées avaient été soutenues par la France. En outre, Paris et ses alliés occidentaux, notamment les Américains, n’avaient pas hésité de suspendre unilatéralement leur coopération militaire, diplomatique, économique avec le Niger.
Exceptés deux de ses pays membres Mali et le Burkina) qui ont connu le coup d’Etat auparavant, tous les autres étaient favorables aux sanctions économiques et militaires contre le Niger. Ainsi, ils ont fermé leur frontière avec le Niger. Les deux pays frontaliers du Niger, dont le Nigéria qui partage 1 600 Kms avec son voisin francophone et le Bénin partageant 266 kms avec son historique, avaient tous fermé leur frontière avec un pays déjà secoué par des crises multidimensionnelles. A l’époque, les autorités nigérianes et béninoises n’arrêtaient pas de soutenir l’idée de l’envoi des troupes militaires pour rétablir le Président Bazoum à son poste.
Un pays qui n’a pas accès à la mer et qui souffrait déjà des problèmes d’insécurité étaient soumis à l’embargo, devrait aussi subir les conséquences d’une crise sanitaire. L’embargo laissait la population nigérienne dans le désarroi jusqu’en février 2024. Par la logique de convergence politique, le Niger se rapprocha des autorités maliennes et burkinabé tout en renforçant, diversifiant sa coopération avec la Fédération de la Russie et de l’Iran pour combler les vides militaires laissés par la France et Alliés occidentaux afin de pouvoir lutter efficacement contre le terrorisme international et transfrontalier.
C’est avec le plaidoyer du Togo que la CEDEAO lèvera les sanctions contre le Niger tout en exhortant les pays frontaliers d’ouvrir leurs frontières. A la suite de cette annonce, le Bénin et Nigéria sous consigne de la CEDEAO ont rouvert leurs frontières. Mais ce ne fut pas le cas du côté nigérien qui maintient sa frontière fermée avec son voisin, le Bénin. Les autorités nigériennes évoquent des raisons de Sécurité. (…car sur le territoire du Bénin, il y a des bases françaises et sur certaines d’entre elles, on entraine des terroristes qui doivent venir déstabiliser le Niger ) et la « Violation des accords bilatéraux entre les deux pays par le Bénin », expliquait, il y a quelques jour Ali Mahamane Lamine Zeine, le Premier Ministre du Niger.
Toutefois, le Benin réplique. La fermeture de la frontière a développé un trafic informel qui déstabilise l’administration politico-sociale et mais aussi l’économie béninoise, a déclaré le président Talon le 8 mai 2024. En outre, la fermeture a même fait flamber également le prix des denrées alimentaires en provenance du Niger au Bénin. Il poursuit sa déclaration en affirmant que pour résoudre ces désaccords entre les deux pays frères, les autorités béninoises tentent depuis un certain temps de normaliser sa relation avec son voisin sur la voie diplomatique. Mais c’est sans succès. Le président a tenu à expliquer que son pays reste favorable aux négociations pour résoudre cette dispute mais dans un cadre formel.
Mais en attendant les autorités béninoises, pour répondre aux sanctions nigériennes, ont bloqué le pétrole nigérien malgré les accords formels liant les deux pays sur les transports de cette matière première. Par contre, les responsables du Niger, restent fermes sur leurs décisions de maintenir leurs frontières fermées pour des raisons de souveraineté et de sécurité interne, externe du pays.
Ces faits compliquent les relations entre ces deux pays frères qui vécurent ensemble depuis des siècles. Au-delà des changements anticonstitutionnels survenus au Niger en juillet 2023, les nigériens font face à une insécurité qui menace aussi les pays du Golfe du Bénin, notamment le Bénin. Lequel a été déjà victime des attaques terroristes. Pour relever ces défis, les pays de l’Afrique Subsaharienne ne doivent-ils pas développer une coopération militaire mutuelle pour s’assister quotidiennement, développer la sécurité et la surveillance au niveau des frontières, au lieu de continuer d’être les marionnettes des Puissances étrangères ?
A l’analyse de ces tensions qui engendrent les méfiances entre ces pays frères (qui partagent les mêmes réalités sociopolitiques, culturelles), l’Afrique de l’Ouest, naguère colonisée, balkanisée par les puissances coloniales jusqu’en 1954-1960, doit se réveiller. Elle doit éviter que ces tensions ne fassent qu’elle devienne l’hôte de la Guerre froide entre les Grandes Puissances. Or, d’ores et déjà, des pays du Sahel ont choisi de renforcer leurs relations militaires avec la Fédération Russie, la Chine, l’Iran, et la Turquie.
De toute façon, l’Afrique fait face aux défis de la mondialisation. Elle se trouve être au centre des Relations Internationales, grâce au potentiel de ses ressources énergétiques que par sa position stratégique. Elle est aussi courtisée par toutes les Grandes Puissances. N’est-il pas alors temps que les africains se réunissent in fine pour jouer pleinement leur rôle sur la scène internationale ?
Boubacar Bani Traoré
Source : Le Pélican