Le vendredi 10 mai 2024, le dialogue inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale a pris fin par l’annonce de fortes recommandations. Parmi ces recommandations, celles relatives au domaine politique ont retenu le plus l’attention des maliens…
Ces recommandations concernent le militantisme politique des chefs religieux, traditionnels et coutumiers ainsi que les conditions de création de partis politiques.
A la veille du nouvel an 2024, le Président de la transition, Colonel Assimi Goïta, a, dans son adresse à la nation, annoncé la fin de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. A la suite de cette annonce, il a proposé la tenue d’un dialogue dit inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale. A ses dires, ce dialogue se fera exclusivement entre maliens sans la présence de corps étrangers. Aussitôt, il a mis en place un comité de pilotage pour la tenue de ce dialogue dont la présidence est assurée par Ousmane Issoufou Maïga dit Pinochet, ancien Premier ministre sous le régime de feu le président Amadou Toumani Touré (ATT).
Appropriation nationale de la gestion de la crise, tel est son objectif
L’objectif recherché est la restauration de la paix, la Réconciliation nationale et la cohésion sociale par une appropriation nationale de la gestion de la crise malienne, sans interférence étrangère. La finalité est de permettre au peuple malien de recourir aux mécanismes endogènes de prévention, de gestion et de règlement des conflits afin de trouver des solutions consensuelles aux problèmes qui assaillent notre pays.
Le Dialogue, dans sa phase opérationnelle a démarré le 2 avril 2024 par une série de rencontres du Comité de Pilotage du Dialogue avec les institutions de la République, les légitimités traditionnelles, les confessions religieuses, les partis politiques, les organisations socioprofessionnelles, celles de la société civile en particulier les regroupements de Femmes et de Jeunes et les autorités administratives indépendantes. Le Comité a également rencontré l’ancien Président Dioncounda TRAORE, des anciens Premiers ministres, des épouses d’anciens chefs d’Etat, le corps diplomatique et les représentants des organisations internationales accréditées au Mali.
Dialogue débuté par des concertations locales
Les concertations prévues dans le cadre du Dialogue ont été organisées du 13 au 15 avril 2024 dans les 763 communes dont 69 délocalisées et du 20 au 22 avril 2024 dans le District de Bamako, les 19 régions administratives, les 48 ambassades et consulats du Mali et dans les universités de Bamako et de Ségou. Elles ont été conduites de manière participative et inclusive. Toutes les sensibilités de la Nation y ont apporté leurs contributions. Une forte mobilisation de la Nation autour du Dialogue a été constatée.
Outre les membres du Comité de Pilotage, la participation des institutions de la République et des autorités administratives indépendantes, la phase nationale du Dialogue a enregistré la présence effective de la totalité des délégués prévue : 160 délégués des Régions et du District ; 26 délégués des Maliens établis à l’extérieur, 3 représentants des réfugiés, 8 délégués des universités. Les délégués des quatre centrales syndicales et un représentant du patronat ont également participé aux travaux. A l’issue de la phase finale, de fortes recommandations ont été faites
Ouverte le lundi, 06 mai dernier, la phase nationale, qui est en même temps la phase finale, a pris fin le vendredi, 10 mai 2024. A l’issue des travaux de cette phase, des recommandations ont été faites par rapport aux différentes thématiques.
Dans la thématique consacrée aux questions politiques et intentionnelles, les participants ont recommandé l’interdiction des chefs religieux, chefs de village, des chefs de quartier et de fraction de faire du militantisme politique. En plus, ils ont demandé de durcir les conditions de création de partis politiques. Deux recommandations majeures qui méritent d’être saluées.
En effet, c’est la crise du vote du code de la famille et des personnes, sous le régime de feu ATT, qui a ouvert la voie aux chefs religieux de s’immiscer pleinement sans le champ politique. A cette occasion, ils ont fait reculer les pouvoirs exécutif et législatif qui ont été contraints de prendre en compte ceux qu’ils souhaitaient voir dans le code. Dès lors, les leaders religieux sont devenus des faiseurs de roi à l’image de Mahmoud Dicko, de Cheichk Hamaoula Bouyé Haïdara et bien d’autres. En 2013, ils ont ouvertement battu campagne dans les mosquées pour le Candidat feu Ibrahima Boubacar Keita (IBK) qui finira par être élu Président de la République. Comme si cela ne suffisait pas, ils proposaient des personnes à des postes de haut niveau administratif et militaire. En plus, ils recevaient, sur leur exigence, des sommes colossales, pour dit-on, faire des bénédictions pour le pays.
Quant aux partis politiques, ils sont devenus un ascenseur de réussite sociale pour ceux qui les créent. Combien de partis politiques ont-ils un siège et une direction nationale où les différents postes sont occupés ? Combien de partis politiques peuvent-ils revendiquer être présents dans toutes les localités du pays? C’est grâce à cette prolifération de partis politiques que l’on a vu des personnes accéder à des postes de responsabilité administrative au mépris de toute compétence.
Bref, la prolifération de partis politiques n’a jamais profité au pays. Donc, en décidant de durcir les conditions de leur création, les participants au dialogue ne font que refléter ce que pensent la majorité des maliens. Il en est de même pour le cas des chefs religieux et coutumiers.
Cyrille Coulibaly
Source : Le Nouveau Réveil