A cause de l’irresponsabilité du personnel soignant, plus intéressé par l’argent que par son devoir à l’égard du malade, nos structures de santé sont devenues des mouroirs programmés. Abonnés à des pratiques qui jurent avec le serment d’Hippocrate, les agents et professionnels de la santé continuent à tuer des personnes en violant la charte du malade et en bénéficiant de l’impunité totale. Au Mali, selon Dr Seydou Ballo (l’auteur de «L’hôpital malien au bord du gouffre : et si on en parlait ?»),
«la question des erreurs médicales demeure malheureusement taboue, même si leur impact est connu de tous». Il rappelle que «beaucoup de malades gardent les séquelles d’une mauvaise qualité des soins et des négligences des praticiens. Dans leur très grande majorité, ils préfèrent garder le silence par manque de moyens, mais également par peur de représailles et de menaces venant directement des médecins».
Et pourtant, l’article 10 de la Charte du malade du 6 octobre 2008 (définit dans l’Arrêté 08-2716 / MS-SG du 6 octobre 2008) dispose clairement que «le malade a le droit d’accéder aux services hospitaliers convenables à son état ou à sa maladie». Sur la base de ce principe, l’article 7 de ladite charte précise que «l’accès au service public hospitalier est garanti à tous et en particulier aux personnes les plus démunies».
En dehors de s’en remettre religieusement à la fatalité, la plupart des malades et leurs proches ignorent également qu’ils peuvent saisir la justice directement pour faire condamner à des peines d’emprisonnement les auteurs (formés et payés aux frais de l’État) des manquements graves dont ils sont souvent victimes dans les structures de santé. Il est donc urgent de créer des canaux appropriés pouvant les aider à s’exprimer et à faire preuve de courage pour dénoncer avec énergie ce fléau qui envahit l’espace hospitalier malien.
En tout cas Dr Ballo est convaincu que «leur parole permettra de mettre en lumière ce phénomène, mais également de stopper sa propagation dans l’ensemble du système de santé malien». Il est en tout cas clair que l’absence de sanctions et de condamnations «encourage particulièrement certains professionnels à piétiner sans vergogne le serment d’Hippocrate ainsi que les principes établis dans la charte du malade au sein des établissements hospitaliers du Mali».
Au-delà de toute dénonciation et de toute répression légitime, «le respect de la vie humaine et l’enseignement du droit médical et de la santé, sans oublier bien sûr l’éthique médicale, doivent être au cœur de la pratique de l’art médical dans notre pays». Tous ces principes relevant du droit médical et de la santé sont garantis par la Constitution malienne (article 17 de la constitution de 1992) et figurent aussi dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (article 25) ainsi que dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (article 16). Tout comme ils figurent aussi dans de nombreux traités internationaux signés et ratifiés par le Mali.
«La charte du malade est l’expression des droits individuels fondamentaux de chaque patient au moment où il entre en contact avec l’établissement. Les établissements hospitaliers se doivent de veiller au respect des droits de l’Homme et de citoyen reconnus universellement : non discrimination, respect à la personne, de sa liberté individuelle, de sa vie privée, de son autonomie, notamment, le droit à l’autodétermination pour choisir son médecin, le droit à l’information, le droit à la liberté religieuse et philosophique», stipule l’article 4 de la Charte du malade.
Il est temps que les autorités maliennes prennent urgemment et courageusement le taureau par les cornes, notamment en «adoptant des dispositions ou des sanctions fortes pour diminuer le nombre de cas de négligences et d’erreurs médicales qui causent la mort d’un nombre considérable de citoyens maliens». Pour Dr Seydou Ballo, «la cruauté du personnel médical doit être bannie de nos hôpitaux publics comme privés, pour le plus grand bonheur du peuple malien».
Pour ce faire, il est également nécessaire que ceux qui (comme Dr Ballo) exercent leur profession comme une sacerdoce dans nos structures de santé (et Dieu qu’ils sont aussi nombreux) arrêtent d’être complices (par leur silence) de pareilles pratiques en les dénonçant à la hiérarchie pour rehausser l’image collective du personnel sanitaire du pays. Les hôpitaux maliens ne doivent plus être considérés comme des mouroirs où on rend l’âme par négligence du personnel soignant, mais plutôt comme des lieux de préservation de la vie humaine. La lutte contre l’impunité des auteurs de ces actes doit être un leitmotiv pour tout le monde (malades, proches, personnel et administration sanitaires, autorités politiques) pour que nos centres et hôpitaux arrêtent d’être des mouroirs programmés !
Hamady Tamba
Source : Le Matin