Depuis la rectification de la trajectoire de la transition, force est de reconnaître que les militaires au pouvoir ont opté pour la nomination de leurs frères d’armes à la tête de structures stratégiques. Les Exécutifs régionaux, la CANAM, les CHU, l’OPAM, le CENOU, etc., aucun secteur ne leur échappe.
Le dernier en date est celui de l’industrie pharmaceutique avec la nomination, lors du conseil des ministres du 20 mars 2024 d’un médecin Lieutenant-colonel à la tête de l’UMPP (Usine malienne de produits pharmaceutiques).
Est-ce un manque de confiance aux cadres civils ou une volonté inébranlable de récompenser des frères d’armes qui ont joué un rôle déterminant dans leur prise de pouvoir? En tout cas, la question reste posée.
Certes, à ce jour, beaucoup de compétences traditionnellement réservées aux civils existent également au niveau de la « grande muette » si elle en est à ce jour.
Sur les 19 régions administratives du Mali, seules 4 sont dirigées par des civils dont peu sont membres du corps préfectoral habilité pour ce travail. Il s’agit des régions de Kita, Dioïla, Sikasso, Bandiagara. Kita est dirigé par l’ancien gouverneur de Ménaka, Daouda Maïga, un ancien cadre de projet de développement. Sidi Mohamed El Bechir est à la tête de la région de Bandiagara ; tandis que Sikasso est sous la responsabilité d’une dame, la première comme Gouverneure de région, Kanté Marie-Claire. La région de Dioïla, a comme premier responsable Dedeou Bagna Maïga. Les 15 autres régions sont sous la coupe soit de Généraux ou de Colonels-majors, y compris le district de Bamako. Certes, le pays est en guerre et que la militarisation des exécutifs régionaux pourrait être un moyen de bien diligenter les opérations militaires. Mais qu’en sera-t-il des aspects purement de développement socioéconomique ? C’est vrai qu’il y a toujours eu quelques militaires à la tête des régions administratives, mais avec les autorités actuelles, le Rubicon a été franchi de trop.
S’agissait des structures publiques, la liste est longue. Toutefois, l’on peut évoquer le cas des centres hospitalo-universitaires (CHU) : Gabriel Touré, Point G, etc. Il y a aussi le cas des aéroports du Mali, de la Caisse nationale d’assurances maladie (CANAM), l’Office des produits agricoles du Mali (OPAM), le centre chargé des données biométriques, etc.
La dernière nomination en date est celle du médecin, Lieutenant-colonel Abdoul Aziz Bah comme Directeur Général de l’Usine malienne de produits pharmaceutiques (UMPP), une structure qui se relève d’une « très longue maladie ». Pourra-t-il relever le défi de la souveraineté médicale?
L’UMPP, une industrie ressuscitée !
Jadis, entreprise dont le savoir-faire industriel était un motif de fierté nationale, l’UMPP se trouvait, depuis plus de 20 ans dans de sérieuses difficultés. C’est pourquoi en novembre 2022, les autorités ont adopté un plan de relance proposé par le ministre de l’économie et des finances qui consistait à réaliser des actions prioritaires comme la modification des statuts, le maintien de la continuité de la production, la modernisation des chaînes de production par la création d’une nouvelle unité. La création de cette nouvelle unité permettra d’accroître la productivité en introduisant de nouveaux équipements et de nouvelles techniques. Ce qui améliorera l’efficacité de la main d’œuvre et créera de nombreux emplois.
A rappeler que l’UMPP est un Établissement public à caractère industriel et commercial crée entre octobre 1980 et avril 1983 dans le cadre de la coopération sino-malienne. Mais, c’est en 1982 avant la cogestion avec le partenaire chinois et suite aux travaux d’une commission d’experts qui avait pour mission de dresser l’état des lieux et proposer la création d’une entreprise autonome, qu’a été prise la loi n°89-11/AN-RM du 09 février 1989 portant sa création. Donc, c’est une entreprise d’État avec un passé riche que s’apprête à diriger le médecin Lieutenant-Colonel Abdoul Aziz Bah.
Youssouf Konaré
Source : Le Nouveau Réveil