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L’Energie du Mali (EDM-SA), secouée par un scandale, a nécessité une enquête qui révèle des pratiques de corruption, de détournement de fonds publics, de clientélisme, et d’affairisme. Une lettre confidentielle du Procureur en charge du Pôle National Économique et Financier adressée au Procureur Général de la Cour Suprême du Mali, expose les faits troublants qui entourent l’affaire des groupes électrogènes et des carburants non livrés à la société Energie du Mali.

Le lundi, 22 janvier 2024 a été décisif dans le dossier énergie du Mali. Plusieurs personnalités, interpellées par le Pôle économique et financier sont ensuite mises sous mandat de dépôt par la Cour Suprême. Comme pour dire que la justice est plus que jamais décidée à faire la lumière sur cette affaire scabreuse.

C’est ainsi que l’ancien ministre Lamine Seydou Traoré, en garde à vue depuis quelques jours, a été placé en détention préventive. Au même moment, les anciens directeurs généraux de l’EDM-SA, Oumar Diarra et Koureissi Konaré se sont vus inculpés et mis sous mandat dépôt par la Cour Suprême. Motif invoqué: « faux, usage de faux et atteinte aux biens publics ».

Ensuite, la Secrétaire générale de l’EDM Amina Niane, a connu le même sort, toujours dans le cadre de cette affaire portant sur 29 groupes électrogènes et transformateurs. En plus, le chef du département juridique de l’EDM, Joseph Théra, ainsi que l’ancien Directeur de production, Ousmane Traoré, ont également été frappés par la justice, rallongeant la liste des inculpés et prisonniers. S’en suivra la mise sous mandat de dépôt de Mme Saran Diakité, ex Cheffe de Bureau des hydrocarbures à la Direction Générale des Douanes par la Cour suprême dans le cadre, dit-on du dossier de fourniture de carburants.

La même cause a conduit à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako, des opérateurs économiques, non moins fournisseurs du carburant à EDM. Parmi lesquels le richissime Mama Lah et le patron de Baraka Petroleum. Quant aux membres du Conseil d’Administration auditionnés, ils ont été libérés.

Le fil conducteur
Tout commence le 22 octobre 2023 lorsque Madame Bintou CAMARA, Ministre de l’Énergie et de l’Eau, dépose une plainte auprès du Procureur du Pôle National Économique et Financier. Les faits reprochés concernent un écart de cinquante-neuf (59) citernes de combustibles entre la quantité réceptionnée à Balingué et celle dépotée dans les centrales thermiques de l’EDM-SA, découvert lors d’un contrôle effectué du 16 au 20 octobre 2023.
Suite à la plainte de Madame Bintou CAMARA, le 30 octobre 2023, M. Mahamadou KASOGUE, Ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des Sceaux a, sur la base de la correspondance N°0314/MJDH-SG, instruit l’ouverture d’enquêtes sur un certain nombre d’actes posés par M. Oumar DIARRA, ancien Directeur Général de la société EDM-SA. Selon les informations, ces faits se rapportent à l’engagement de commandes d’une valeur totale de 17 939 789 259 FCFA et à la concision de 45 contrats à hauteur de 52 415 406 522 F CFA, sur la période du 20 au 27 juillet 2023. Ensuite, le Ministre de la Justice, à travers une seconde correspondance N°0315/MJDH-SG, a instruit de nouveau, l’ouverture d’enquêtes sur la régularité et l’exécution du marché n°22/522DG/DP du 06/12/2022 relatif à la fourniture de vingt-sept (27) groupes électrogènes conteneurisés de type Perkins et transformateurs, conclu entre l’EDM-SA et la société « CASE CONSTRUCTION » pour un montant de 6 269 000 000 FCFA. Les investigations révèlent des irrégularités dans l’engagement de commandes et la conclusion de contrats pour un montant total de 17 939 789 259 FCFA, ainsi que des anomalies dans l’exécution du marché n°22/522DG/DP du 06/12/2022 relatif à la fourniture de vingt-sept (27) groupes électrogènes conteneurisés de type Perkins et transformateurs pour un montant de 6 269 000 000 FCFA et conclu entre la Société EDM-SA et CASE CONSTRUCTION.
Toutefois, les procès-verbaux établis par la Brigade spécialisée du Pôle National Économique et Financier concluent que les cinquante-neuf citernes dénoncées par Madame la Ministre sont en réalité présentes au niveau du stock de Balingué et des centrales thermiques, écartant ainsi l’hypothèse d’un vol.
Cependant, de nouvelles révélations émergent concernant des écarts de quantités de combustibles non livrés par plusieurs fournisseurs, générant un préjudice financier pour l’État. Les investigations pointent du doigt Madame Saran DIAKITE, Chef de Bureau des Produits Pétroliers, pour sa négligence ayant conduit à la non-livraison d’une quantité importante de combustibles destinés à l’EDM-SA. Ce faisant, les recettes douanières non perçues sont estimées à 16 739 357 litres de gasoil. Dans le cadre de la régularisation des écarts constatés, une partie du combustible a été livrée en hors taxe, réduisant partiellement le préjudice financier.
Anomalies dans les contrats et falsifications
Les contrats conclus par l’ancien Directeur Général, Oumar DIARRA, sont examinés de près. Mais le marché n°22/522DG/DP du 06/12/2022, passé par entente directe, est critiqué pour l’absence du cahier des clauses techniques particulières, essentielles à l’exécution correcte du marché. De plus, quatre contrats additionnels signés ultérieurement ne sont pas considérés comme des avenants au contrat initial. Ainsi, les responsabilités sont attribuées à Koureissi KONARE, Joseph THERA, Mamadou SIDIBE, Ousmane TRAORE, Aminata NIANE, Boubacar DIALLO, Saran DIAKITE, Lamine Seydou TRAORE, et d’autres, qui ont signé des contrats comportant des mentions inexactes et ont validé des contrats additionnels sans réelle justification. D’où une altération de la vérité et un préjudice financier à l’État.
Mieux, les enquêtes ont révélé également des suspicions de blanchiment de capitaux, impliquant les sociétés « BARAKA PETROLUM » avec un écart en quantité de 315 000 litres de fuel; la société « LAH&FILS » avec un écart de 19 989 000 litres de gasoil et la « SOCIETE FATOUMATA BATHILY », avec un écart de 2 837 340 litres de gasoil soit un écart total de 22 826 340 litres de gasoil et 315 000 litres de fuel pour un montant de 6 269 000 000 FCFA.
Sont également épinglés par les mêmes chefs d’accusations, M. Koureissi KONARE, Joseph THERA, Mamadou SIDIBE, Ousmane TRAORE, Aminata NIANE et Boubacar DIALLO, Saran DIAKITE, Lamine Seydou TRAORE et autres qui leurs auraient, aussi, apportés leurs concours notamment pour « l’acquisition, la détention ou l’utilisation, la convention, le transfert ou la manipulation, la dissimulation, le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la déposition, du mouvement ou de la propriété réelle, de divers biens (notamment des sommes d’argent et d’importantes quantités de combustibles identifiées) dont ils savaient ou auraient dû savoir, qu’ils provenaient de la commission des crimes ou délits, ou de la participation à ces crimes ou délits, notamment l’atteinte aux biens publics les faux, usages des faux, et complicité desdits, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toutes personnes impliquées, en occurrence des sociétés dans la commission de ces crimes ou délits à échapper aux conséquences judiciaires de leurs actes ».
Du coup, les infractions, notamment la responsabilité pénale de Lamine Seydou TRAORE, ancien Ministre, des cadres de l’énergie et des opérateurs fournisseurs, justifient le transfert du dossier à la Cour Suprême.
L’affaire de détournement de carburant et de fraudes dans le secteur énergétique au Mali révèle des pratiques condamnables impliquant des hauts responsables. Les preuves accablantes issues des enquêtes suggèrent des actes intentionnels causant un préjudice substantiel à l’État.
Adama Coulibaly

Source : Le Nouveau Réveil

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