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Alors que les soldats français sont contraints de ramasser armes et bagages pour quitter le Niger, la Russie, déjà présente non loin au Mali et Burkina Faso, avance ses pions par petits bouts pour récupérer la place laissée par la France. Un axe Moscou-Bamako-Ouagadougou- Niamey se dessine au Sahel. Le pire scénario pour la diplomatie et les armées françaises.

L’image vaut son pesant d’or : le général Abdourahamane Tiani, président du Conseil national pour la sauvegarde de la partie (CNSP), s’avançant de trois pas le 3 octobre 2023 à Niamey pour serrer la main à l’ambassadeur de Russie au Niger, avec résidence à Bamako, Igor Gromyko. Ce n’est d’ailleurs pas le seul fait notable de cette entrevue : depuis sa prise de pouvoir le 26 juillet 2023, après avoir renversé le président Mohamed Bazoum, c’est la première fois que le chef de la junte nigérienne reçoit en tête-à-tête un diplomate étranger. Autre élément à souligner : l’audience accordée à l’ambassadeur de Russie à Bamako et Niamey s’est déroulée non pas en présence du ministre nigérien des Affaires étrangères Bakary Yaou Sangaré, mais de son collègue de la Défense, Salifou Mody.
Axe Moscou-Bamako-Niamey

Avant de recevoir à Niamey l’ambassadeur russe, une délégation du CNSP s’était déplacée fin septembre 2023 à Bamako pour rencontrer une mission militaire venue de Moscou. La rencontre tripartite Russie-Mali-Niger avait conforté le projet de Moscou de prendre pied fortement au Niger, dans ce contexte d’éviction brutale de la France. Pour réaliser son rêve de revanche sur la France, la Russie dispose d’une carte maitresse : les colonels russophiles au pouvoir à Bamako, parmi lesquels Sadio Camara, ministre de la Défense. Il se trouve, par bonheur pour la Russie, que Sadio Camara s’entend très bien avec Salifou Mody, son homologue nigérien. Il se trouve surtout que Salifou Mody en veut à la France qu’il soupçonne très fortement avoir œuvré en avril 2023 à son éviction brutale de son poste de chef d’état-major des Forces armées nigériennes (FAN) pour avoir défendu l’option d’une coopération militaire nigéro-malienne plus forte et intense. Faisant suite à une attaque terroriste d’ampleur perpétrée en février 2023 contre une position de l’armée nigérienne dans la zone dite des trois frontières (Burkina Faso, Mali, Niger), le général Mody, alors chef d’état-major des FAN, s’était rendu début mars 2023 à Bamako pour rencontrer son homologue malien le général Oumar Diarra puis le président de la transition malienne Assimi Goïta. Avec le feu vert du Mali, l’armée nigérienne avait monté une opération de représailles d’envergure contre les groupes terroristes dans la région de Ménaka, en terre malienne, sur la frontière commune. Hasard de calendrier ou volonté de briser ce nouvel axe militaire entre Bamako et Niamey, le chef d’état-major des armées françaises le général Thierry Burkhard s’était rendu précipitamment au Niger fin mars 2023, peu après le voyage de Salifou Mody au Mali. Dans plusieurs milieux nigériens, y compris militaires, un lien avait été établi entre le passage éclair à Niamey du général Burkhard et l’éviction en avril de son poste de chef d’état-major du général Mody, partisan assumé d’une plus forte coopération militaire nigéro-malienne. Revenu au premier plan avec le coup d’Etat du CNSP, dont il est le numéro 2, le général Mody travaille désormais au rapprochement avec l’armée malienne qui joue les intermédiaires entre Niamey et Moscou. La création récente d’une « Alliance des Etats du Sahel » regroupant, outre le Niger et le Mali, le Burkina Faso est venu consacrer à la montée en puissance de la nouvelle donne stratégique au Sahel.
Désistement américain.

Après avoir longtemps espéré empêcher l’incursion de la Russie au Niger, y compris en s’appuyant sur ses relais au sein du sein du CNSP que sont le général Moussa Salaou Barmou et le colonel-major Maman Sani Kiao, deux officiers qu’ils ont formés, les Américains devraient annoncer dans le courant de la semaine qu’ils prenaient formellement acte du coup d’Etat du 26 juillet 2023 au Niger. Selon la chaîne de télévision CNN, cette reconnaissance du coup d’Etat militaire devrait entraîner la suspension automatique d’une partie de l’aide américaine au Niger, mais sans imposer le rapatriement de quelque mille soldats américains actuellement présents au Niger sur les bases aériennes 101 et 201 de Niamey et Agadez ainsi qu’à Ouallam, non loin de la frontière avec le Mali.
À ce stade, les Nigériens n’envisageant pas de solliciter le concours du groupe de sécurité privée russe Wagner. Les Américains pourraient donc s’accommoder de cette option de la Russie sans Wagner. Derrière la volonté nigérienne de rapprochement avec la Russie, apparaît surtout la soif du pays d’acquérir du matériel militaire russe, notamment les hélicoptères de combats et de transports de troupes. Il s’agit, en réalité, d’un vieux projet. Le pays avait eu en effet, sous l’ancien président Issoufou, le projet d’acheter 12 hélicoptères à la Russie.
Le ministre nigérien des Affaires étrangères Kalla Hankouraou s’était même rendu à Moscou pour faire avancer le dossier. La promesse d’achat n’avait pas prospéré suite, indique-t-on dans certains milieux nigériens, au veto de Paris.
Triple peine pour la France
A la différence de la France contrainte de retirer jusqu’à son dernier soldat du Niger, les Américains ont carte blanche de la junte pour garder une partie de leurs troupes dans le pays : ce qu’ils feront probablement pour pouvoir continuer de surveiller la Libye et les groupes terroristes.
Dans le dossier nigérien, les Etats-Unis ont préféré jouer leur propre carte, n’hésitant pas à prendre ouvertement leurs distances avec les positions françaises. Cette posture inédite des Américains envers l’allié français au Sahel ajoute finalement à la peine de la France de devoir abandonner sous la contrainte la dernière terre de sa présence militaire dans la région, après son éviction brutale du Mali et du Burkina Faso.
Renvoyée par la junte nigérienne, abandonnée par son allié américain, diplomatie française pourrait devoir vivre encore plus douloureusement son remplacement au Niger par la Russie. On en prend le chemin après l’entrevue entre le général Tiani et l’ambassadeur de Russie au Mali et au Niger Igor Gromyko.
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Source : Mondafrique

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