Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), M. Leonardo Santos Simão, a dressé, ce matin devant le Conseil de sécurité, un tableau contrasté de la situation dans la région, entre consolidation démocratique dans certains pays et persistance des défis sécuritaires et de gouvernance dans d’autres, en particulier au Sahel.
Les processus de transition au Mali et au Niger ont été au cœur des interventions des délégations.
« Des progrès significatifs ont été enregistrés en matière de consolidation de la démocratie, répondant ainsi au désir de changement porté par une jeune génération de plus en plus exigeante », a déclaré le Représentant spécial, à l’entame de son propos. En revanche, la situation sécuritaire et les défis liés à la gouvernance demeurent des préoccupations majeures ayant un impact significatif sur la vie des communautés et menaçant constamment d’anéantir les progrès dans d’autres domaines, a-t-il ajouté.
M. Simão a salué le bon déroulement de l’élection présidentielle au Libéria, le Président sortant ayant félicité son adversaire et appelé à l’unité nationale après un second tour très disputé. « Ce fut un moment politique déterminant pour un pays où les souffrances de la guerre civile sont encore très présentes. » Il s’est félicité de l’enthousiasme « palpable » au Sénégal à l’approche de l’élection présidentielle du 25 février prochain, avant de saluer la « constance démocratique » du Ghana, où des élections générales sont prévues en décembre.
Le Représentant spécial a, en revanche, décrit une situation préoccupante au centre du Sahel. Le changement anticonstitutionnel de pouvoir au Niger en juillet a créé une « ceinture de gouvernements dirigés par les militaires », venant aggraver les défis sécuritaires, humanitaires et de gouvernance, a-t-il affirmé. Il a vivement regretté les arrestations de journalistes et de défenseurs des droits humains, ainsi que les restrictions apportées aux libertés publiques.
Le Représentant spécial a souligné également « l’incertitude élevée » qui entoure le processus de transition au Mali. La date des élections n’a pas encore été fixée, a-t-il dit. Il a aussi mentionné la difficulté des autorités de transition au Burkina Faso à restaurer la sécurité, comme l’a montré l’attaque ayant frappé la ville de Djibo. Il a noté la reconfiguration des mécanismes de sécurité régionaux dans la région découlant du retrait de la Mission de l’ONU au Mali, du départ des forces étrangères et de l’incertitude autour du G5 Sahel depuis le départ du Niger et du Burkina Faso. Mon bureau, a-t-il assuré, continuera de défendre le dialogue en vue de « l’accélération du retour » à des ordres constitutionnels dans la région reflétant les aspirations des citoyens.
« L’objectif n’est pas d’encourager des transitions militaires longues, mais bien d’assurer le retour à l’ordre constitutionnel », a appuyé Mme Lori-Anne Theroux-Benoni, de l’Institut d’études de sécurité. Cette représentante de la société civile a aussi estimé que l’idée que le Sahel soit « perdu » et que les ressources devraient être redirigées vers les pays du littoral constitue une « erreur d’appréciation » dont les répercussions, a-t-elle prévenu, affecteront les populations, la sécurité et la stabilité de la région. Il est donc urgent, selon elle, de repenser les réponses en gardant à l’esprit l’interdépendance et le caractère multidimensionnel des flux d’approvisionnement, de financement et de recrutement qui alimentent l’insécurité, mais aussi d’anticiper les « inévitables » désengagements des groupes terroristes au Sahel et dans les pays du littoral.
S’exprimant au nom des A3+1 -Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone- le délégué de ce dernier pays a lui aussi regretté la montée des tensions provoquée par le changement de gouvernement anticonstitutionnel dans certains pays et les a encouragés à remplir leurs obligations au titre des accords régionaux. Après la clôture de la Mission de l’ONU au Mali, les A3+1 appellent donc à une action coordonnée avec les pays voisins pour minimiser tout nouvel impact négatif sur la sécurité du Mali et de la région. Dans ce contexte, le rôle des agences sous-régionales, régionales, de l’UNOWAS et des autres agences de l’ONU devient donc encore plus crucial, a ajouté la délégation.
Préoccupés par le délitement de la démocratie dans la région, les États-Unis ont également appelé à promouvoir les processus démocratiques, tandis que la République de Corée a demandé un retour « dans les délais » à l’ordre constitutionnel, en coopération avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La France a elle aussi salué la mobilisation de la CEDEAO, « qui promeut la démocratie et le retour à l’ordre constitutionnel dans tous les pays où il a été mis à mal ».
Une note quelque peu dissonante est venue de la Fédération de Russie, qui a jugé « destructrices » les actions menées par la France et d’autres acteurs extérieurs visant à déplacer les dirigeants de transition « indésirables ». Il est essentiel que la CEDEAO établisse un dialogue avec les États afin de résoudre les menaces communes qui pèsent sur la région, a insisté la délégation russe. Le Royaume-Uni a estimé pour sa part que les problèmes de sécurité de la région ne pourront être réglés par le « chaos déstabilisant » du groupe mercenaire Wagner.
La délégation américaine a par ailleurs souhaité que davantage de rapports soient présentés au Conseil de sécurité, arguant que celui-ci a besoin de plus de visibilité dans une région où de nouvelles stratégies s’imposent vu la complexité de la menace sécuritaire et des besoins de développement. « Ce n’est pas le moment de se désengager », a déclaré la Suisse, à l’adresse de l’organe.
CONSOLIDATION DE LA PAIX EN AFRIQUE DE L’OUEST S/2023/1075
Déclarations
M. LEONARDO SANTOS SIMÃO, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), a indiqué qu’au cours des six derniers mois la situation dans la région a été marquée par des évolutions contrastées. D’une part, des progrès significatifs ont été enregistrés en matière de consolidation de la démocratie, répondant ainsi au désir de changement porté par une jeune génération de plus en plus exigeante, a-t-il dit. En revanche, la situation sécuritaire et les défis liés à la gouvernance demeurent des préoccupations majeures ayant un impact significatif sur la vie des communautés et menaçant constamment d’anéantir les progrès dans d’autres domaines.
Il a estimé que l’élection présidentielle au Libéria a démontré la capacité des institutions à organiser des scrutins crédibles et à mettre en place des gouvernements dotés d’une légitimité constitutionnelle. En effet, le 15 novembre, suite au déroulement du second tour d’une élection présidentielle très disputée, le Président sortant George Weah a félicité son adversaire et appelé à l’unité nationale, a -t-il indiqué, saluant un moment politique déterminant pour un pays où les souffrances de la guerre civile sont encore très présentes dans les mémoires. Au Sénégal, l’enthousiasme quant au choix du prochain dirigeant du pays, lors de l’élection présidentielle du 25 février prochain, et qui pourrait bien être l’une des plus compétitives, est également palpable. Il a ajouté que le Ghana a également démontré sa constance démocratique avec l’engagement des deux principaux partis dans un processus transparent, et l’élection de leurs candidats à la plus haute fonction de l’État, en préparation des élections générales prévues pour le mois de décembre de cette année.
En revanche, le Représentant spécial a souligné les confrontations qui ont eu lieu en Sierra Leone et en Guinée-Bissau entre différents services de sécurité. Ces événements, qui se sont déroulés dans le sillage de processus électoraux, rappellent la nécessité de fortifier la crédibilité des institutions et des processus de gouvernance démocratique. En Sierra Leone, les espoirs sont placés dans « l’esprit » de l’Accord pour l’unité nationale signé entre le Gouvernement et le principal parti d’opposition afin de surmonter les tensions actuelles, a-t-il dit. Il a estimé que les tensions institutionnelles en Guinée-Bissau, qui ont culminé avec la nouvelle dissolution du Parlement, ont sûrement fermé la fenêtre d’opportunité pour la conduite de réformes, pourtant cruciales.
Évoquant la situation dans le centre du Sahel, M. Simão a indiqué que le changement anticonstitutionnel de pouvoir qui a eu lieu au Niger en juillet, créant une « ceinture de gouvernements dirigés par les militaires » dans le Sahel, est venue aggraver les défis sécuritaires, humanitaires et de gouvernance que connaît la région. Il a vivement regretté les arrestations de journalistes et de défenseurs des droits humains, ainsi que les restrictions apportées aux libertés publiques. Le Représentant spécial a également noté la prise de la ville de Kidal par les forces armées du Mali, avant de souligner l’incertitude élevée entourant l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et le processus de transition. La date des élections n’a pas encore été fixée, a-t-il dit, en ajoutant que l’insécurité continue de prévaloir dans le pays.
Il a aussi mentionné la difficulté des autorités de transition au Burkina Faso à restaurer la sécurité dans le pays, comme l’a montré l’attaque à grande échelle ayant frappé la ville de Djibo. Dans un contexte de retrait de la mission onusienne au Mali, le Représentant spécial a indiqué que des discussions sont en cours avec les autorités du Mali autour du rôle de son Bureau. L’ONU continuera de jouer un rôle clef de soutien au peuple malien, a-t-il assuré.
Le Représentant spécial a noté la reconfiguration des mécanismes de sécurité régionaux dans la région découlant du retrait de la mission de l’ONU au Mali, du départ des forces étrangères et de l’incertitude autour du G5 Sahel depuis le départ du Niger et du Burkina Faso. Il a salué l’adoption par le Conseil d’un cadre pour des contributions fixes s’agissant du financement des opérations de paix emmenées par l’Union africaine. Cela est capital, alors que des réflexions sur une réorientation des outils onusiens de paix et de sécurité sont en cours, a-t-il dit. Le Représentant spécial s’est également dit encouragé par les efforts de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) visant à pleinement opérationnaliser son plan d’action 2020-2024 en vue d’éradiquer le terrorisme dans la région, en faisant appel à des contributions obligatoires. Il a également salué sa décision de reprendre le dialogue avec les diverses autorités de transition et à reconsidérer les sanctions. « Nous continuerons de défendre le dialogue en vue de l’accélération du retour à un ordre constitutionnel reflétant les aspirations des citoyens, dans le respect des droits humains », a-t-il conclu.
Mme LORI-ANNE THEROUX-BENONI, Directrice régionale, Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad, Institut d’études de sécurité, a observé que cette réunion semestrielle du Conseil de sécurité demeure l’un des rares cadres d’échanges sur l’Afrique de l’Ouest et le Sahel qui subsistent suite à la liquidation de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et la dissolution annoncée du G5 Sahel. Alors que la région demeure confrontée à des défis politiques, sécuritaires et humanitaires croissants, l’insécurité due aux groupes armés continue de se propager, s’est-elle inquiétée. Après avoir rappelé l’importance d’investir dans la prévention, Mme Theroux-Benoni a jugé que l’idée voulant que le Sahel soit « perdu » et que les ressources devraient être redirigées vers les pays du littoral constitue une « erreur d’appréciation » dont les répercussions affecteront les populations, la sécurité et la stabilité de la région. Il est donc urgent de repenser les réponses en gardant à l’esprit l’interdépendance et le caractère multidimensionnel des flux d’approvisionnement, de financement et de recrutement qui alimentent l’insécurité, a-t-elle relevé.
La Directrice régionale a insisté sur l’importance d’anticiper les « inévitables » désengagements des groupes terroristes au Sahel et dans les pays du littoral, comme ce fut le cas dans le bassin du lac Tchad où des combattants de Boko Haram se sont désengagés suite aux victoires militaires des gouvernements de la région, au dialogue ou aux combats entre factions terroristes rivales, « voire par lassitude ». Les États de la région, les organisations sous-régionales africaines et l’ONU doivent donc se préparer dès aujourd’hui à une telle éventualité, en tirant des leçons des processus de désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation (DDRRR) des pays du bassin du lac Tchad, a-t-elle insisté. Ces transitions, qui semblent parfois devenir des transitions à durée indéterminée, offrent selon elle l’occasion de poser les bases de la stabilité régionale. L’objectif ici n’est pas d’encourager des transitions militaires longues, a précisé Mme Theroux-Benoni, mais bien d’assurer le retour à l’ordre constitutionnel, bien qu’il ne s’agisse pas du seul critère de réussite.
S’exprimant au nom des A3+1 (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone), M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) s’est félicité des progrès récents en matière de représentation et de participation des femmes dans l’espace politique en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone, ces deux pays dépassant les quotas requis par leurs politiques et législations respectives. S’agissant de la situation politique dans la région, il a regretté la montée des tensions provoquée par le changement de gouvernement anticonstitutionnel dans certains pays et les a tous encouragés à remplir leurs obligations au titre des accords régionaux tels que le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance et la Déclaration de Lomé.
Le délégué a ensuite regretté l’incidence croissante du terrorisme et de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest et au Sahel, sa propagation vers les États côtiers demeurant une préoccupation majeure. Après la clôture de la MINUSMA, les A3+1 appellent donc à une action coordonnée avec les pays voisins pour minimiser tout nouvel impact négatif sur la sécurité du Mali et de la région. Dans ce contexte, le rôle des agences sous-régionales, régionales, de l’UNOWAS et des autres agences de l’ONU devient donc encore plus crucial, a-t-il ajouté.
Très préoccupé par la tendance à la hausse des incidents sécuritaires dans le golfe de Guinée, après des années de diminution des cas de piraterie et de vols à main armée en mer, le représentant a plaidé à cet égard pour une coopération dans la mise en œuvre des cadres pertinents, notamment la résolution 2634 (2022) du Conseil de sécurité. Il s’est aussi dit extrêmement inquiet de la situation humanitaire désastreuse dans la région, en particulier dans les zones centrales du Sahel, où le nombre de nécessiteux a augmenté de 24% par rapport à l’année précédente. Aussi les A3+1 continuent-ils d’appeler les partenaires à donner la priorité à la mise en œuvre des plans de réponse humanitaire pour les pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel en aidant à atteindre l’objectif de 3,5 milliards de dollars pour répondre aux besoins humanitaires croissants, dont à peine 36% avaient été atteints en décembre 2023.
Concernant les changements climatiques, il a salué les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Appel à l’action de Dakar sur les changements climatiques, la paix et la sécurité, qui appelle le système des Nations Unies, y compris l’UNOWAS, les équipes de pays des Nations Unies, le mécanisme de sécurité climatique et la CEDEAO à continuer de travailler avec les partenaires régionaux et nationaux pour soutenir les gouvernements de la région dans ce domaine. Enfin, le représentant a appelé à une approche globale qui s’attaque aux causes profondes et prenne également en compte les défis socioéconomiques en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Cela nécessite un soutien pour remédier aux déficits de gouvernance et de développement et un engagement à bâtir un consensus national qui garantira une participation significative des femmes et des jeunes aux processus de prise de décisions et de gouvernance, a-t-il souligné.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse), soucieuse de la stabilité et de la prospérité en Afrique de l’Ouest et au Sahel, a recommandé une action préventive urgente de la communauté internationale dans plusieurs domaines, à commencer par la gouvernance. Elle a plaidé pour des élections inclusives, en saluant le fait qu’un grand nombre d’élections qui ont eu lieu en Afrique de l’Ouest en 2023 se sont déroulées pacifiquement. Elle a également salué les progrès en matière de représentation des femmes dans des organes politiques suite aux élections en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone en appelant à promouvoir et mettre en œuvre des législations sur l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes. Elle a salué le soutien de l’UNOWAS au Burkina Faso, Ghana, Mali, Mauritanie, Sénégal et Togo en amont de leurs élections prévues cette année.
Passant à la situation sécuritaire « fragile » dans la région, elle a estimé qu’avec le retrait de la MINUSMA et la fin du G5 Sahel, le Conseil de sécurité doit prêter davantage attention à la région. « Ce n’est pas le moment de se désengager », a-t-elle tranché estimant crucial de mieux combiner les engagements multinationaux, régionaux et bilatéraux afin d’atténuer le risque d’une crise régionale aggravée, ce qui devait se faire en étroite collaboration avec l’Union africaine et les organisations sous-régionales. S’agissant de la crise humanitaire, qui touche plus de 26 millions de personnes au Sahel, elle a relevé que le plan de réponse humanitaire n’est financé qu’à hauteur de 36% tout en indiquant que la Suisse y a contribué en répondant aux besoins alimentaires et nutritionnels de plus d’un million de personnes au Mali en 2023. Enfin, elle a noté que la région pâtit de manière disproportionnée des conséquences des changements climatiques, disant apprécier à cet égard les progrès réalisés par l’UNOWAS dans la mise en œuvre de l’Appel à l’action de Dakar.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis), préoccupé par le délitement de la démocratie dans la région, a recommandé de promouvoir et de soutenir les processus démocratiques, d’autant plus que la MINUSMA s’est retirée. Le représentant a demandé au gouvernement de transition du Mali de coopérer avec l’ONU pour garantir une liquidation ordonnée de la Mission en respectant ses obligations prévues par l’accord sur le statut des forces. Déplorant la dissolution du G5 Sahel, il a souhaité qu’il y ait davantage de rapports au Conseil de sécurité, chaque année, arguant que le Conseil a besoin de davantage et pas de moins de visibilité dans une région où il faut de nouvelles stratégies vu la complexité de la menace sécuritaire et des besoins de développement.
Le représentant a appelé à la libération des personnes détenues de façon injuste au Niger où il faudra rétablir dans les plus brefs délais la gouvernance démocratique. Il a voulu que les coordonnateurs résidents de l’ONU au Burkina Faso et au Niger reprennent leurs travaux. Préoccupé également par l’instabilité sur la côte de l’Afrique de l’Ouest, le délégué a rappelé que le Sahel reste un épicentre de la menace terroriste mondiale. Il a dit attendre avec intérêt le sommet antiterroriste du Secrétaire général à Abuja où il faudra débattre de solutions à ces menaces. Le groupe Wagner commet des violations des droits humains et met en péril la sécurité des civils et des soldats de la paix entravant ainsi l’action de l’ONU, a accusé le représentant. Il a appelé les membres du Conseil à relancer l’action collective pour régler les problèmes transfrontaliers de la région.
M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) a déclaré qu’une gouvernance démocratique robuste et inclusive est cruciale pour ramener la stabilité dans la région. Il a salué le bon déroulement des processus électoraux en Gambie et au Libéria. Il a, en revanche, jugé très préoccupante la lente restauration de l’ordre constitutionnel au sein de plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. « Nous exhortons tous les pays connaissant des processus de transition à œuvrer à un retour à un ordre constitutionnel dans les délais, en coopération avec la CEDEAO. » Il a également noté l’insécurité élevée qui prévaut dans le centre du Sahel et exhorté le Conseil à rester pleinement engagé. Enfin, le délégué s’est inquiété de l’acuité de la situation humanitaire au Sahel, plus de 26 millions de personnes ayant besoin d’une aide vitale.
M. DAI BING (Chine) s’est félicité que le Nigéria, la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire aient achevé leurs processus électoraux, et que le Sénégal et le Togo soient pleinement engagés dans un dialogue politique positif. Néanmoins, la situation politique et sociale demeure instable dans certains pays, tandis que les transitions politiques au Mali, au Niger et ailleurs sont entrées dans une phase critique, a-t-il noté. Le représentant a réitéré l’appui de son pays aux États de la région qui doivent surmonter leurs différends politiques grâce au dialogue et créer les conditions propices à la réconciliation. Pour y parvenir, il a jugé essentiel d’améliorer la gouvernance et de renforcer l’autorité de l’État, avec l’appui de la communauté internationale, sans toutefois imposer de modèles de transformation démocratique inefficace.
Dans ces conditions, il a salué l’appui important que la CEDEAO continue de fournir aux processus politiques au Mali et ailleurs conformément à la volonté des pays concernés. Les pays de la région sont en première ligne des efforts de lutte contre le terrorisme et pour maintenir la stabilité de la région, a-t-il apprécié, notant la volonté de la CEDEAO de déployer une force permanente pour mener des efforts concertés de lutte antiterroriste. Il a néanmoins dit attendre des pays du Sahel qu’ils élaborent une vision collective et renforcent leur action commune à cet égard, en menant des actions pragmatiques et en renforçant leurs capacités d’intervention. Le représentant a par ailleurs noté que les pays de la région sont confrontés à un ralentissement économique et à une inflation à la hausse, qui s’ajoutent aux crises humanitaires et alimentaires. À ses yeux, le Plan d’appui des Nations Unies pour le Sahel et la stratégie intégrée pour le Sahel devraient permettre d’obtenir des résultats concrets. Enfin, il a annoncé que le Ministre chinois des affaires étrangères se rendra au Togo et en Côte d’Ivoire la semaine prochaine afin de promouvoir la paix et la stabilité dans la région.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a salué les élections organisées en 2023 au Nigéria, au Libéria et en Guinée-Bissau et reconnu la représentation accrue des femmes aux postes politiques en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire à la suite des récentes élections dans ces deux pays. Elle a ensuite exhorté les gouvernements de transition de la région à s’engager dans des plans de transition réalistes et à revenir sans délai à l’ordre constitutionnel. À cet égard, la représentante a réitéré son appel à la libération immédiate et inconditionnelle du Président Mohamed Bazoum du Niger, soutenant la voie à suivre proposée lors de la soixante-quatrième session ordinaire de la CEDEAO tenue en décembre dernier, pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans le pays.
S’agissant de la situation au Mali, à la suite de la fermeture de la MINUSMA à la demande du Gouvernement de transition malien, la représentante a estimé que la communauté internationale doit continuer à jouer son rôle pour soutenir et sauvegarder le bien-être du peuple malien, alors que le pays connaît une recrudescence des attaques terroristes et des hostilités entre les parties à l’Accord de paix. Aussi a-t-elle appelé le Gouvernement de transition malien à s’engager ouvertement avec le système des Nations Unies et à définir un nouveau rôle pour l’UNOWAS et l’équipe de pays des Nations Unies dans le cadre du transfert des tâches qui incombaient à la Mission.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a relevé que la sécurité dans de pans entiers du Sahel se détériore, en particulier au Mali, où, à son avis, l’UNOWAS est appelé à jouer un rôle crucial après le retrait de la MINUSMA. Il a encouragé le Bureau, par ses bons offices, à aider à ramener tous les signataires des Accords d’Alger de 2015 à la table des négociations, saluant au passage les contributions de la CEDEAO et de l’Initiative d’Accra à la sécurité régionale. Il a aussi prévenu que les problèmes de sécurité de la région ne pourront être réglés par le chaos déstabilisant du groupe mercenaire russe Wagner. Alors que la démocratie est sous pression dans la région, il a noté que les délais de rétablissement de gouvernements constitutionnels au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ne cessent de s’allonger. Le Royaume-Uni soutient donc les appels de la CEDEAO en faveur d’un retour à l’ordre constitutionnel et encourage un réengagement en faveur des calendriers de transition, a déclaré le délégué avant d’appeler le Niger à convenir d’un calendrier de transition avec la CEDEAO et de demander le respect d’une transition inclusive et transparente au Tchad.
Le délégué a félicité par ailleurs le Libéria pour son récent transfert pacifique de pouvoir. Il a salué le travail de l’UNOWAS sur le lien entre le climat et la sécurité et soutenu les travaux menés dans la région pour renforcer la résilience des personnes les plus vulnérables aux changements climatiques. Enfin, s’agissant de la situation humanitaire « désastreuse », le représentant a signalé que depuis 2019, l’aide britannique a permis de sauver la vie de plus de 15 millions de personnes au Sahel, même si tous les besoins ne sont toujours pas satisfaits. Il a donc appelé tous les acteurs à garantir un accès sûr et sans entrave à l’aide humanitaire. Le représentant a conclu en assurant que le Royaume-Uni souhaite travailler plus étroitement avec l’UNOWAS et la CEDEAO pour contribuer à relever les défis régionaux.
M. SAMUEL ŽBOGAR (Slovénie) a souligné l’importance de la démocratie et des partenariats régionaux et internationaux pour assurer le succès des transitions vers des sociétés démocratiques en Afrique de l’Ouest, prônant une coordination étroite entre l’UNOWAS, la CEDEAO et les pays participant aux processus de transition, en vue d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Le représentant a attiré l’attention sur le rétrécissement de l’espace civique et politique dans certains pays de la région, alors qu’il est essentiel de donner la parole à tous les segments de la société si l’on veut instaurer la confiance nécessaire au maintien de la paix. Les gouvernements et les partis politiques doivent s’engager dans un dialogue politique inclusif, a-t-il recommandé.
Préoccupé par l’insécurité, l’instabilité, les menaces terroristes et la violence intercommunautaire, le représentant a encouragé le Conseil à renforcer les efforts de l’UNOWAS et de l’équipe de pays des Nations Unies. Il faut investir dans la prévention, la consolidation de la paix et la stabilisation régionale ainsi que dans des sociétés et des institutions résilientes, a-t-il ajouté. Le délégué a demandé des enquêtes sur toutes les violations du droit international humanitaire et des droits humains dans le cadre des opérations de lutte contre le terrorisme. Il a prévenu du débordement de l’insécurité du Sahel vers les États côtiers rappelant la nouvelle initiative de défense et de sécurité de l’Union européenne en soutien aux pays du golfe de Guinée. Le délégué s’est aussi déclaré préoccupé par le recrutement d’enfants par les groupes armés, les enlèvements de filles, les fermetures d’écoles et les violences sexuelles et sexistes. Seul un engagement à long terme dans les domaines de l’aide humanitaire, du développement et de la paix peut déboucher sur des solutions durables dans la région, a-t-il conclu.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a souligné l’importance d’institutions démocratiques robustes, avant de déplorer les ruptures de l’ordre constitutionnel dans la région. Toute rupture doit être condamnée, a dit le délégué, en faisant allusion au récent coup d’État au Niger. Il a salué les efforts de consolidation de la CEDEAO de l’ordre constitutionnel au Niger et au Mali. Le délégué a aussi souhaité que les calendriers électoraux soient respectés. Il a rappelé que la lutte contre le terrorisme doit respecter les droits humains, avant de souligner le rôle capital que joue l’UNOWAS dans la région. Il est nécessaire de préserver la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, a ensuite plaidé le délégué. Enfin, il a souligné l’acuité de la situation humanitaire dans la région et appelé à remédier à ses causes profondes.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a constaté que la situation dans la région du Sahara et du Sahel ne s’améliore pas, principalement en raison de la menace terroriste croissante. Le renforcement des capacités de combat de l’État islamique du Grand Sahara (EIGS) complique la situation sécuritaire dans les pays du bassin du lac Tchad. Pendant ce temps, les organisations terroristes du Sahel étendent progressivement leur zone d’activités vers les États du golfe de Guinée, y compris le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo. Les zones frontalières demeurent l’épicentre des tensions dans la région, a-t-elle noté, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger, situés dans le triangle Liptako-Gourma. Pour assurer la stabilisation à long terme de la région, la représentante a appelé au soutien de la communauté mondiale à ces trois pays. Elle a jugé « destructrices » les actions menées par la France et d’autres acteurs extérieurs visant à déplacer les dirigeants de transition « indésirables ». Il est essentiel que la CEDEAO établisse un dialogue avec les trois États afin de résoudre les menaces communes qui pèsent sur la région, a-t-elle souligné.
Dans ce contexte, elle s’est félicitée de la conclusion, le 16 septembre 2023, d’un accord sécuritaire entre ces trois pays. Cette interaction accrue porte déjà ses fruits, a-t-elle noté, citant en exemple la tenue d’opérations antiterroristes conjointes. Malgré la fin de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et « l’effondrement » du G5 Sahel, le Mali a été en mesure de rétablir son contrôle sur Kidal, s’est-elle félicitée. Dans le même temps, les autorités de transition du Burkina Faso, de Guinée et du Mali doivent respecter le calendrier convenu pour le retour à l’ordre constitutionnel. Elle a ajouté que l’achèvement de la période de transition doit se faire sans intervention étrangère et en s’appuyant sur des évaluations réalistes de la situation. Pour sa part, la Fédération de Russie compte continuer à contribuer aux efforts de la communauté mondiale visant à instaurer la stabilité dans la région, notamment en augmentant la capacité de combat des forces armées des États du Sahel.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) a considéré qu’il est grand temps que le Conseil de sécurité s’exprime d’une seule voix pour soutenir la mission de l’UNOWAS à travers l’adoption d’une déclaration présidentielle. Elle s’est ensuite félicitée de certains développements politiques positifs dans la région, notamment de la tenue d’élections pacifiques au Libéria. Dans le même temps, celle-ci continue d’être marquée par des tensions politiques accrues, un rétrécissement de l’espace civique et politique et une instabilité dont témoigne la prise de pouvoir par les militaires au Niger en juillet dernier. La détérioration de la situation sécuritaire dans la région présente des risques d’entraînement sur les États riverains du golfe de Guinée, alors que les affrontements et les violences au Mali connaissent une recrudescence à la suite du retrait de la MINUSMA, a mis en garde la représentante.
Pour relever les défis de plus en plus nombreux auxquels la région est confrontée, la représentante a jugé essentiel d’adopter une approche associant humanitaire, développement et paix. Enfin, compte tenu du retrait de la MINUSMA et de l’annonce de la décision de dissoudre le G5 Sahel, elle a réalisé que le Conseil aurait moins d’occasions de discuter de la situation dans la région du Sahel. Toutefois, a-t-elle estimé, compte tenu des défis auxquels la région est confrontée, ce n’est pas le moment pour le Conseil de relâcher son attention.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que l’Afrique de l’Ouest et le Sahel ont dû faire face à de nombreux défis au cours de l’année écoulée: des crises politiques, la rupture de l’ordre constitutionnel au Niger ainsi que le départ de la MINUSMA après 10 ans de présence au Mali, « dans des conditions difficiles ». Il s’est inquiété pour les 26 millions de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire. Le représentant a par ailleurs salué les événements positifs en Côte d’Ivoire et au Libéria, avec notamment la tenue d’élections transparentes, inclusives et apaisées, ainsi qu’en Gambie où a été mise en place une Commission vérité, réconciliation et réparations.
Le délégué a salué la mobilisation de la CEDEAO, qui promeut la démocratie et le retour à l’ordre constitutionnel dans tous les pays où il a été mis à mal. Il a encouragé l’UNOWAS à continuer de la soutenir. Les situations politiques nationales ne doivent pas faire oublier les menaces transversales qui continuent de toucher l’Afrique de l’Ouest notamment le terrorisme, l’insécurité maritime, l’insécurité alimentaire, et les changements climatiques, face auxquels il faut agir collectivement, a rappelé le délégué en citant la déclaration faite par les membres du Conseil ayant signé l’engagement relatif au climat, à la paix et à la sécurité au début de cette session. « La France continuera de collaborer avec les acteurs de la région qui le souhaitent, dans un cadre respectueux du droit international, et à plaider pour un maintien de l’attention de ce Conseil.»
Source : ONU