Les relations diplomatiques entre Alger et Bamako viennent de connaître une nouvelle étape cruciale avec le rappel de leurs ambassadeurs respectifs pour consultation. Cette crise diplomatique entre l’Algérie et le Mali s’explique du fait de l’impossibilité pour les deux pays à se parler et se mettre d’accord pour relancer le processus de paix avec les ex-rebelles qui sont d’ailleurs redevenus rebelles.
Dans ce contexte de forte tension diplomatique, jusqu’où peut aller ce tir au poignet entre les deux voisins immédiats ?
Algérie, cheffe de file de la médiation internationale dans ce processus de paix, est sortie de sa réserve en recevant mi-décembre une délégation de plusieurs figures emblématiques de la rébellion touarègue regroupée sous la bannière du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD). Egalement le président algérien a reçu personnellement le très resauté imam Mahmoud Dicko pour parler de l’Accord d’Alger.
Cette attitude ambiguë d’Alger de recevoir à la fois l’imam Mahmoud Dicko et les groupes rebelles dont certaines d’entre eux font l’objet de mandat d’arrêt sur son sol et être reçu avec les autorités algériennes a fait monter d’un cran la colère des autorités maliennes de Transition qui ont aussitôt convoqué l’ambassadeur algérien au Mali pour consultation. Les autorités algériennes en n’ont fait de même en guise de réciprocité.
Alger de son côté a rappelé de manière appuyée qu’historiquement, toutes les contributions de l’Algérie à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Mali ont toujours reposé sur trois principes cardinaux dont elle n’a jamais dévié et dont elle ne déviera pas.
Malgré ces rappels historiques, ces consultations ont vite tourné en une brouille diplomatique majeure entre les deux grands voisins liés par l’histoire et la géographie avec le rappel de leurs ambassadeurs dans leurs pays respectifs pour consultation.
Dans ce contexte de forte tension diplomatique, jusqu’où peut aller ce tir au poignet entre les deux voisins immédiats ?
Selon plusieurs diplomates, il faut très vite que Bamako et Alger se mettent d’accord sur la même longueur d’onde concernant la question des rebelles touarègues qui ont trouvé refuge sur le sol algérien après la reprise de Kidal par l’Etat malien.
« Aujourd’hui, c’est dans l’intérêt des deux pays à trouver une solution à ce que moi j’appelle juste une crise de part et d’autre et non une brouille diplomatique ouverte entre les deux grands voisins du Sahel. Car, Alger a toujours œuvré pour la paix et l’unité du Mali. Pour moi, Alger aurait dû informer voire associer l’Etat du Mali à cette rencontre avec les ex-rebelles qui on le sait tous, certaines d’entre eux sont recherchées par la justice malienne pour terrorisme », commente un ancien diplomate à la retraite qui a requiert l’anonymat.
Un autre diplomate estime que cette brouille diplomatique entre Alger et Bamako ne doit pas aller plus loin et qu’il faut juste que la diplomatie algérienne à l’origine de cette brouille mette un peu d’eau dans son vin, en présentant ses excuses au Mali.
« Il est vrai que la bienséance est une qualité qu’ignorent les canons et les canaux diplomatiques du ministère algérien des Affaires étrangères. Je pense que le régime algérien doit présenter ses excuses au gouvernement malien, qui se plaint diplomatiquement, et à juste titre, des ingérences flagrantes et inamicales. L’attitude condescendante d’Alger envers le Mali ne date pas d’aujourd’hui et les gouvernements successifs du Mali ont toujours les yeux sur cet état de fait. Parce qu’Alger a toujours pensé que cette partie du Nord du Mali en l’occurrence Kidal est sa chasse gardée », analyse un autre diplomate.
Par contre, observateurs et commentateurs appellent Alger à clarifier sa position vis-à-vis du Mali. Selon eux, on ne peut pas dire qu’on soutient le Mali pour retrouver la paix et recouvrir son l’intégrité territoriale et mener sur son dos des actions qui vont à l’encontre de la paix et compromettent son intégrité territoriale.
« Les officiels maliens ne veulent pas admettre ça, mais l’Algérie joue et continue de jouer un double jeu dans cette crise malienne. Elle s’est taillé la part du loup en se faisant passer comme le leader incontournable et incontesté dans les différentes rébellions que le Mali a connues. Les agissements du grand voisin laissent entendre que le Mali est sa chasse gardée, et qu’il doit à ce titre être régi par la pax algeriana à l’exclusion de toutes les autres. Tous les accords de paix que le Mali a signé avec les rebelles, c’est sous l’égide de l’Algérie. Et cette même Algérie qui se dit être aux côtés du Mali, mais en réalité elle roule plutôt du côté de l’ennemi », constate un observateur.
Source : Mali Tribune