En ma qualité de Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Mali, c’est un agréable devoir pour moi de prendre la parole au nom du Barreau du Mali.
Cette prise de parole, à mon sens, va au-delà des Avocats que nous sommes, car à vrai dire, je m’adresse à l’ensemble des acteurs de la Justice, et à tout le peuple malien au nom duquel cette justice est rendue.
Et je suis davantage conforté dans mon allocution par l’opportunité qui m’est offerte et par le choix de la Thématique de cette année.
Monsieur le Président de la Transition, Chef de l’Etat, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, permettez-moi tout d’abord de vous exprimer au nom de l’ensemble des Avocats du Mali et en mon nom personnel toute notre profonde gratitude pour avoir honoré le décaissement des fonds relatifs aux travaux d’achèvement de la maison de l’Avocat.
SOYEZ-EN REMERCIÉ.
Vous me permettrez également de remercier le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, le Secrétaire Général de son Département, tous les anciens Bâtonniers et les Conseils de l’Ordre successifs qui ont fait de l’achèvement de ce joyau architectural une priorité.
Je remercie tous ceux qui ont contribué directement ou indirectement à la construction de notre maison.
L’ensemble des Avocats du Mali vous en restera reconnaissant.
Mesdames et Messieurs les Hautes Personnalités ;
Madame Messieurs les Bâtonniers ;
Chers membres de la Grande Famille Judiciaire ;
Distingués invités, tout protocole observé ;
La Rentrée judiciaire, au-delà de sa solennité, voire de son faste demeure une grande journée d’évaluation des activités menées au cours de l’année écoulée,d’introspection, de questionnement et d’interrogations quant à la pratique judiciaire, un moment d’échange entre les acteurs de la justice, de réflexion pour une réussite de la nouvelle année judiciaire.
Ce qui m’amène à rappeler qu’il y’a de cela une année, nous débattions dans cette même salle d’audience de la thématique relative à une justice plus proche du Citoyen et de la problématique d’une saine distribution de la Justice.
Au cours de cette audience, il fut dépeint par mes soins un ensemble de comportements déviants de la part de certains acteurs de la Justice où je soulignais l’impérieuse nécessité d’une prise de conscience collective pour circonscrire les maux de la justice, ou à défaut une application des sanctions exemplaires pour ceux qui s’écartent du droit chemin.
De cette date à nos jours, une volonté marquée et des actes pour redresser la balance de la justice sont nettement perceptibles.
Et à partir de là, grâce à une extrême concentration des efforts de tous les acteurs de la justice, je l’espère, nous pourrons combler et rattraper ce qui a manqué.
Faisant donc échos à la dernière thématique, les acteurs de la justice sont invités à réfléchir sur : « LA JUSTICE ET CITOYENNÉTÉ DANS LE MALI NOUVEAU »
Comme l’a rappelé fort judicieusement Monsieur le Président de la Cour Suprême, « Ce thème a l’avantage de faire savoir à la Communauté Nationale la volonté du Pouvoir Judiciaire, à travers la Cour Suprême, de prendre toute sa part dans la gigantesque œuvre de refondation entreprise par les pouvoirs publics, dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales de la Refondation »
La thématique s’inscrit donc dans la dynamique d’un engagement volontaire, voire volontariste de la plus Haute Juridiction à coupler la Rentrée Judiciaire des Cours et des Tribunaux avec « l’actualité du moment ».
Je salue cette démarche bienheureuse.
Je suis ainsi appelé à vous entretenir des contenus que le Barreau du Mali donne à la Justice, à la Citoyenneté au Mali Nouveau :
La Justice et la Citoyenneté sont deux notions étroitement liées et consubstantielles à la consolidation de l’Etat de Droit et de la Démocratie.
– La Justice symbolise la reconnaissance et le respect des droits et du mérite de chacun, Elle est avant tout un idéal et une valeur morale.
Elle est la base de la cohésion sociale, pilier de l’Etat de Droit, elle est fondatrice des valeurs démocratiques.
Elle véhicule la bonne Gouvernance et assure le développement socio-économique.
A ce propos Jana Dubovcova, juriste slovaque, lauréate du Prix » Transparence international de l’intégrité en 2002 déclarait : » les citoyens qui n’ont pas confiance dans le système judiciaire, n’ont pas confiance en l’Etat et ceci est une situation dangereuse, parce que le fondement de tout Etat démocratique est la confiance de ses Citoyens ».
La justice est très souvent au cœur du débat politique.
Et pourtant l’équilibre des pouvoirs appelle l’existence d’un pouvoir judiciaire fort.
L’enjeu est important car ce dernier constitue aux yeux des citoyens le gardien des libertés. Une justice libre est une justice forte.
Le citoyen est celui qui, selon le nom latin civis qui en est la racine, a droit de cité dans la communauté politique dont il fait partie.
La citoyenneté est donc une situation positive créée par la pleine reconnaissance aux personnes de leur statut de citoyen, leur faisant ainsi disposer, dans la communauté de tous les droits civils et politiques.
Elle a un fondement juridique à travers les dispositions des articles 26, 27, 28 et 29 de la constitution de juillet 2023, pour ne citer que ceux-là au plan national.
Au plan international et régional, on peut faire référence à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à la charte africaine de 2006, au programme décennal de développement de la jeunesse africaine 2009-2018 adopté en 2010 à Victoria Falls (Zimbabwe), j’en passe.
Elle a un fondement politique car il est impérieux de trouver des perspectives heureuses pour les jeunes de façon à les rendre moins vulnérables ou difficilement mobilisables pour les actions illégales ou de déstabilisation.
Elle a un fondement socioculturel en ce que la refondation du Mali doit amener chaque malien à tirer sa substance dans les valeurs sociétales qui fondent notre nation et qui ont permis aux diverses communautés de vivre en harmonie jusqu’à une époque récente.
Elle a un fondement économique d’autant qu’aucun développement n’est possible sans citoyenneté. Et vous conviendrez avec moi que la promotion de la bonne gouvernance, le respect des biens publics, la revalorisation du patrimoine culturel, le développement des connaissances des symboles de la République, la participation massive de citoyens au vote, la lutte contre la corruption, contre la dépravation des mœurs, contre la vie chère ne pourront jamais réussir sans une parfaite citoyenneté.
Elle est le lien qui rattache l’individu à la collectivité, à la nation à laquelle il appartient.
Elle se définit davantage comme un mode de comportement civique et une participation active à la vie de la société que comme un simple statut juridique.
En effet, de nos jours, lorsque l’on parle de citoyenneté, on fait référence à des qualités, des attitudes que les individus ont ou devraient avoir et qui leur permettraient de participer à la conduite des affaires publiques, tant au niveau national qu’à l’échelon local.
Conçue à la fois comme concept ou idéal et quelle que soit la valeur philosophique qu’on lui prête, la citoyenneté ne peut être entièrement déconnectée de la réalité car les idéaux ne sont pas figés, ils s’inscrivent au contraire dans une époque et dans des lieux et doivent de ce fait se confronter au réel pour évoluer.
Pour cette raison, il ne saurait être question de prôner un renforcement, une modernisation ou un renouvellement de la citoyenneté sans se demander pourquoi et pour qui nous y aspirons.
Dans ce sens, mon avis est que l’idéal de la citoyenneté doit se manifester à travers une citoyenneté d’engagement fédérateur, réunissant ainsi le peuple malien autour de valeurs communes et partagées. Cela suppose, en premier lieu, d’associer plus étroitement les citoyens à la définition de ces valeurs et des caractéristiques de l’intérêt général car il n’est pas productif que la souveraineté du peuple s’exerce qu’épisodiquement lors des élections.
Elle peut s’exprimer par la participation politique et associative, par la discussion publique et les pratiques de cohésion sociale.
Il exprime ses points de vue, les confronte à ceux de son entourage et tente de les faire prévaloir dans la mesure du possible.
Elle peut ainsi s’exercer autrement que par les suffrages, à travers les consultations numériques, les pétitions en ligne ou la mobilisation sur différents sujets d’intérêt collectif qui sont autant d’exemples de ces nouvelles formes d’expression qui permettent de rénover les relations que les citoyens entretiennent avec les décideurs publics.
Le mouvement des pionniers du Mali qui est une association reconnue d’utilité publique depuis le décret n°96-205/P-RM du 19 Juillet 1996 est une source d’inspiration pour la citoyenneté.
La mission fondamentale de ce mouvement n’est-elle pas de favoriser la formation civique, morale, intellectuelle, physique et les pratiques de production, l’abnégation et l’esprit de sacrifice.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs,
Faire naître un projet commun et incarner la citoyenneté oblige à une meilleure connaissance et surtout une meilleure compréhension des uns et des autres. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons faire vivre la devise du Mali Un Peuple – Un But – Une Foi, dans les conditions de sécurité, d’égalité, de libertés, de participation, de contrôle, de garanties juridiques.
Et nul ne saurait penser à la citoyenneté sans la justice car le citoyen est à la fois un justiciable soumis aux impératifs de sécurité et au respect des droits et un juge qui participe aux décisions de justice par ses actions, ses témoignages, ses expertises, ses dénonciations ou en qualité d’assesseur.
Et la justice au sens commun qui renvoie à la croyance en un monde juste oblige tout membre de l’État de se considérer citoyen,
Une justice saine est un pan très important de cet effort constant dont le socle doit être le principe démocratique fondé sur l’égalité juridique de tout individu telle qu’inscrite dans les articles 1 et 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, dans les articles 2 et 3 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981, repris dans les articles 1 et 2 de la constitution du Mali de juillet 2023.
Aujourd’hui, une analyse objective de la situation de notre pays m’incline à dire très honnêtement que les expériences négatives d’interaction avec la justice de notre pays, qu’elles soient ponctuelles ou répétées, accroissent le manque de confiance en l’appareil judiciaire.
Le Barreau que je préside pense que la tendance de ce jugement négatif est réversible.
Et comme je l’ai dit le 18 août 2023, lors de mon allocution à la cérémonie de la prestation des Hauts Magistrats de la Cour Suprême, dans cette même salle, les Avocats du Mali prônent les solutions qui suivent pour y parvenir :
Mieux développer un sens plus collégial de l’indépendance, mieux maîtriser les tendances individualistes dans l’exercice de l’indépendance de la justice,
Rechercher un contenu plus élaboré au sens du devoir et de loyauté vis-à-vis de l’institution,
Favoriser les démarches de concertation entre juges exerçant les mêmes fonctions de façon à déterminer ensemble des consensus, des standards d’approche des situations similaires mieux partagés,
Favoriser les rapprochements de jurisprudences de sorte que ce qui vaut au niveau du tribunal, ou de la Cour d’Appel, vaut aussi à l’échelle nationale pour ainsi dire harmoniser les décisions et renforcer chez le citoyen le sentiment de prévisibilité et donc de sécurité à l’égard de la justice.
Parce que les décisions qu’elle rend doivent établir les grands principes du droit qui structurent notre société, tout en portant sur les multiples aspects de nos vies quotidiennes, la Cour Suprême joue en cela un rôle essentiel.
De ce fait, la redevabilité de tous doit devenir la règle, comme l’a martelé d’ailleurs le Procureur Général près la Cour Suprême, dans ses réquisitions lors de la prestation de serment des Hauts Magistrats le vendredi 18 août 2023.
C’est dans ces conditions qu’une citoyenneté bien exercée participera bien évidemment au développement de notre pays.
Et enfin, que faut-il entendre par le Mali Nouveau ? ou en langue vernaculaire Bambara que signifie le vocable Mali Koura ?
Je répondrais que c’est le Mali débarrassé de toutes les pesanteurs nuisibles à son développement et au bienêtre des populations.
On me rétorquera à coup sûr que la définition n’est pas holistique, ce que je concède volontiers
Et pour éviter justement l’incomplétude, eu égard à l’importance du concept, je voudrais mobiliser certains propos du Président de la Transition lors de son intervention à l’occasion de la cérémonie d’installation des Membres du Panel des Assises de la Refondation.
Il disait, je cite :
« … Ainsi que cela a été dit à maintes occasions, les missions des organes de la transition découlent des aspirations profondes de notre peuple, qui ont été exprimées en termes d’exigences et qui tiennent désormais lieu de boussole pour ceux qui ont la charge de diriger le pays aujourd’hui.
Il s’agit principalement d’assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire national ; de mener la lutte contre la corruption et l’impunité ; d’apaiser le climat social et de mettre en œuvre des réformes institutionnelles en vue d’élections transparentes et crédibles … ;
Les maux qui minent notre Etat et notre société qui nous ont conduit dans la situation complexe actuelle ont besoin d’être traités par des solutions endogènes durables … «
Il rappelait aussi dans son discours à l’occasion du lancement des Assises Nationales de la Refondation que :
« …Les Assises Nationales de la Refondation de l’Etat du Mali constitueront un moment privilégié d’examen collectif de conscience et de prospective, un événement précurseur du processus de renaissance de notre pays.
C’est l’occasion rêvée de suspendre les clivages politiques, sociaux et idéologiques, pour créer une dynamique novatrice de mobilisation sociale autour des idéaux historiques de la nation malienne.
C’est également l’opportunité de focaliser nos énergies et nos intelligences sur le devenir de notre chère patrie qui en a vraiment besoin… «
Et lors de la clôture des Assises Nationales de la Refondation, il ajoutait que :
« … Loin d’être un alibi ou un caprice, les Assises Nationales de la Refondation sont la réponse aux maux et aux défis qui assaillent notre pays…
Maintenant que le diagnostic est posé par notre réflexion collective, les pistes de solutions identifiées, nous avons l’obligation historique de nous donner la main, sans appartenance ethnique, religieuse, politique afin de mettre en œuvre les changements voulus par le peuple pour son essor et pour la sauvegarde des générations futures. »
Aujourd’hui, l’objectif est de continuer avec le processus de refondation :
Ce processus doit, comme le dit l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) une organisation panafricaine sise à Dakar, s’axer autour de :
« La refondation de la gouvernance
La refondation de la nation
La refondation du système de délivrance des services à la population
La refondation de la politique régionale de paix et de sécurité
La refondation des forces de sécurité
La refondation de l’économie
La refondation de l’aide internationale
La refondation du débat public ».
Ces objectifs donnent un nouvel élan à notre pays et à ce titre, permettent de comprendre l’appellation MALI NOUVEAU.
Mesdames et Messieurs les Hautes Personnalités ;
Chers membres de la Grande famille Judiciaire ;
Mesdames et Messieurs Distingués invités ;
Vous aurez donc compris que la thématique qui nous réunit aujourd’hui, analysée sous le triptyque Citoyenneté, Justice et Mali Nouveau, consiste à donner à chaque malien la part qui lui revient dans une nation riche de sa diversité culturelle, linguistique et religieuse.
Pour l’atteinte de cet objectif fort louable, il nous faudrait, en tant que héritiers de grandes civilisations, de grandes empires ou royaumes, bâtis sur des valeurs socio-culturelles endogènes, tous adopter un ensemble de comportement positifs se manifestant par un réarmement moral individuel et collectif plaçant la Patrie Mali au-dessus de nos intérêts personnels en se remémorant toujours la Charte du Mandé contenant 44 articles qui a existé plus de 5 siècles avant la Déclaration des Droits et du Citoyen en France de 1789 et 8 siècles avant la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 des Nations Unies, en tant que source d’enseignement inépuisable.
Cette charte est indéniablement l’une des plus anciennes constitutions au Monde qui a traversé les siècles sous une forme orale. Ses divers chapitres prônent la paix sociale dans la diversité. On y décèle un catalogue de règles normatives dont toute société a besoin.
Article 5 : » Chacun a droit à la vie, à la préservation de son intégrité physique «
Quel bel exemple de justice incarnant les droits de l’homme actuel.
Article 6 : » Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué un mode de surveillance contre la paresse et l’oisiveté »
Bel exemple inspirant en soi pour les citoyens et démontrant que le travail est un devoir pour tout habitant de la cité.
Article 23 : »Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur »
Quel bel exemple adressé aux décideurs qui se doivent d’être des hommes d’honneur.
Article 44 : « Tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis. Chacun est chargé de l’application stricte de ces articles »
Parfaite illustration du pouvoir répressif à l’égard des comportements déviants dans la Cité. La sanction n’est donc pas l’apanage ou le monopole d’un seul corps de métier, mais elle s’exerce par tous les habitants, car il n’y avait pas de place pour la compromission.
Monsieur le Président
Mesdames et Messieurs les Hautes Personnalités ;
Madame Messieurs les Bâtonniers ;
Chères Consœurs, Chers Confrères ;
Mesdames et Messieurs les Magistrats ;
Distingués Invités, tout protocole observé ;
Vous aurez compris que notre riche histoire et la teneur des Assises Nationales de la Refondation ne nous permettent guère de reproduire les erreurs du passé.
Aujourd’hui, notre pays est à la croisée des chemins.
Il a décidé de prendre son destin en mains, de s’affranchir de certaines pesanteurs et de poser les jalons d’un véritable progrès.
Nous tous : AVOCATS, JUGES, HUISSIERS-COMMISSAIRES DE JUSTICE, NOTAIRES, GREFFIERS, GARDIENS DE PRISONS, EXPERTS JUDICIAIRES, ET AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE, nous devrons faire de l’Ethique notre bréviaire, comme l’a rappelé KEBA BAYE lors de la leçon inaugurale sur l’éthique prononcée le 14 décembre 2005 à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar.
Mesdames et Messieurs les Acteurs de la Justice, mettons l’Ethique au centre de nos préoccupations, car « l’Ethique est la théorie de l’action que l’homme doit mener pour conduire sa vie et parvenir au bonheur » selon le Philosophe stoïcien Epicure.
Et rappelons-nous aussi cette citation de Nelson Mandela, Ancien Président de l’Afrique du Sud et non moins Avocat. Je cite :
» L’honnêteté, la sincérité, la simplicité, l’humilité, la générosité, l’absence de vanité, la capacité à servir les autres, qualités à la portée de toutes les âmes sont les véritables fondations de notre vie spirituelle »
L’idéal de changement ne saurait se réaliser avec un citoyen qui n’est pas prêt à défendre sa Patrie ou qui refuse délibérément de remplir ses devoirs civiques, notamment de s’acquitter de ses obligations, ou encore d’œuvrer pour le bien commun de respecter et de protéger le bien public.
Cet idéal pour la refondation serait un vœu pieux si le citoyen qui est investi d’un mandat public, ou chargé d’un emploi public, ou d’une mission de service public renonce à son devoir de l’accomplir avec conscience, loyauté et probité.
Le pouvoir est fait pour servir et non le contraire. Il est d’ailleurs passager.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Hautes Personnalités ;
Chers membres de la Famille Judiciaire ;
Distingués invités ;
Nonobstant les défis auxquels notre pays est confronté, ensemble nous pouvons réussir.
Et si nous voulons relever les défis, nous devons nous mêmes changer de comportement.
La justice s’y attèle et c’est l’occasion de noter dans ce secteur des avancées réalisées au titre des Réformes structurelles déjà engagées avec :
– La création du Pôle National Economique et financier à travers la loi n°2021-051 du 29 septembre 2021 ;
– La création du Pôle National de lutte contre la Cybercriminalité par la loi n°2022 -058 du 22 décembre 2022 ;
-La création d’un Parquet spécialisé au niveau du pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la Criminalité Transnationale Organisé, désormais séparé du Tribunal de Grande Instance de la Commune VI, ayant un Procureur de la République à sa tête, par la loi n°2023-018 du 23 mai 2023 ;
-La création de l’Agence de recouvrement et de Gestion des Avoirs Saisis ou confisqués par l’Ordonnance n°2022-019/PT-RM du 20 septembre 2022, ratifiée par la loi n°2023-011 du 11 mai 2023 ;
A ces réformes majeures, non exhaustives d’ailleurs s’ajoutent la semaine de la justice et la relecture en cours du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale qui mérite qu’on s’y attarde un peu plus pour un examen minutieux.
Autre source de satisfaction, c’est l’embellie observée par les justiciables quant à la qualité des décisions de justice par certaines juridictions de fond dont la Cour d’Appel de Bamako, depuis les récentes mutations.
Cependant, la question récurrente est la suivante : que faire contre les acteurs de la justice qui s’écartent toujours des règles, contre ceux d’entre nous qui pensent que la Justice représentée par la balance de Themis n’est qu’illusion, incantation, vœux pieux, qui oublient que la justice est le pain du peuple et qu’à ce titre, il en est toujours affamé ?
La réponse est simple : Il faut sévir !
Comme nous enseigne le Talmud des hébreux : « Malheur à la génération dont les juges méritent d’être jugés »
Autant la justice est une question de dignité, autant les hommes et les femmes, chargées de la distribuer doivent en être investis. Il y va de sa crédibilité, c’est à dire de la confiance de ceux qui lui font l’honneur de mettre le leur entre ses mains. Autant l’arbitraire des autres est condamnable, autant celui de la justice est inacceptable parce qu’inqualifiable.
La justice est le pain du peuple, il en est toujours affamé.
En en ce qui concerne le Barreau du Mali, le Conseil de l’Ordre et le Bâtonnier ont entrepris de mesures énergiques qui ne sauraient s’accommoder d’un exercice professionnel débridé au mépris de la probité et de la décence.
La tenue des Etats Généraux du Barreau du 26 au 27 juillet 2023 s’est inscrite dans ce registre, car il n’est pas question d’enlever la paille dans les yeux de certains acteurs principaux de la Justice et laisser la poutre dans les nôtres.
Le Barreau œuvre à la mise en place d’un observatoire dédié à la lutte contre les pratiques anormales au sein de la justice au Mali.
En tant que citoyen, chacun devra faire preuve d’un amour immodéré pour la patrie, être un citoyen exigeant envers soi-même et envers les pouvoirs publics qui doivent matérialiser, dans de meilleur délai, une charte d’éthique et de valeur fondée sur la connaissance de soi, la dignité, l’engagement, l’estime de soi en tant que malien, l’humilité, l’intégrité, le sens de l’honneur, en somme, sur des critères déterminant le bon citoyen.
Vous aurez donc compris avec moi que le Mali Nouveau qui a commencé à germer à besoin indiscutablement de tous ses fils pour que la floraison soit importante.
Les engagements pris par les plus Hautes Autorités de la Transition deviennent au fur et à mesure des réalités tangibles :
La sécurisation des populations et la reconquête territoriale sont des sources inestimables de fierté pour tout malien.
L’adoption de la nouvelle loi fondamentale par voie référendaire dans le respect des délais proposés, suite à la bonne organisation du scrutin par l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections et sa promulgation par Décret n°2023-0401 du PT-RM du 22 juillet 2023 est symptomatique de la bonne marche du peuple malien vers les objectifs qu’il s’est assignés.
Mais je ne peux me retenir de souligner, d’un ton franc et massif, le danger très pernicieux qui s’est enraciné depuis fort longtemps dans nos mœurs : Je veux parler de la Corruption et de l’enrichissement illicite.
Le mal a pris de l’ampleur à telle enseigne qu’il est désormais évoqué dans le préambule de la loi fondamentale qui dispose :
« Considérant que la Corruption et l’enrichissement illicite compromettent les efforts de développement du Pays » ;
C’est un mal qui menace l’idéal de Mali Coura, annihile tout simplement le développement.
Une lutte implacable doit donc être menée contre la délinquance financière dans le strict respect des règles de procédure pénale ayant pour principe fondamental la présomption d’innocence.
C’est à ce prix que le peuple pourra aspirer à un mieux vivre.
Nous avons dépassé le stade de l’indignation morale ou de la dénonciation outrée.
Il faut des sanctions judiciaires exemplaires.
En définitive, il urge pour nous tous d’apporter notre pierre à l’édification de la refondation de notre pays.
Nous devons être des citoyens et surtout un peuple qui ne se contentent pas de chercher à décrypter les bribes du destin qui lui est imposé par la nature.
Nous devons oser penser que nous pouvons réussir en anticipant rationnellement, en réfléchissant à ce qui peut nous arriver, non pas à s’y résigner mais pour en mesurer les risques, comprendre éventuellement comme s’en protéger, s’y adapter ou les refuser, en ne comptant que sur nos propres forces.
Nous devons penser l’avenir comme un destin à construire et non comme une fatalité à subir.
Une des voies pour y arriver est l’exercice de la citoyenneté dans la justice saine à travers les orientations que sont : -l’éducation à la citoyenneté et la culture de la paix au niveau scolaire, -la sauvegarde de nos valeurs culturelles, -la lutte contre la dépravations des mœurs, -la revalorisation du patrimoine culturel, -la promotion de l’égalité des citoyens face au service public à tous les niveaux, -le développement des connaissances sur les symboles de la République, -la création d’emplois pour les jeunes, -le respect de l’environnement des biens de l’Etat et les règles de la civilité, -le contrôle du citoyen de l’action publique, etc…
Je voudrais terminer mon allocution par cette phrase de monsieur Kofi ANNAN, Diplomate Ghanéen, Ancien Secrétaire Général de l’ONU de 1997 à 2006 et Prix Nobel de la paix en 2001 : je cite :
« Personne ne nait bon citoyen, bon démocrate ou bon dirigeant ; cela prend du temps et de l’éducation «
Vive le Mali reconcilié.
Je vous remercie.
Le Bâtonnier
Ousmane Bouba TRAORE
Source : Malijet
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