A l’issue de la rencontre ministérielle des pays membres de l’Alliance des Etats du sahel (AES) sur le développement économique dans l’espace du Liptako-Gourma, les délégations des trois pays (Burkina Faso, Mali et Niger) ont publié un communiqué annonçant les différentes conclusions retenues lors de ladite rencontre.
A l’entame du communiqué, il ressort que les trois ont décidé d’impulser une nouvelle dynamique de coopération stratégique à travers la signature de la Charte instituant l’Alliance des Etats du Sahel (AES), le 16 septembre 2023 à Bamako. Cette ambitieuse vision s’inscrit en droite ligne de la volonté des chefs d’Etat des trois pays d’œuvrer à la sécurisation, à la promotion de l’indépendance économique et à l’intégrité de l’espace du Liptako-Gourma.
Sur instruction des chefs d’Etat, selon le communiqué, les ministres chargés de l’Economie et des Finances ont décidé de la tenue de la réunion ministérielle des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel sur le développement économique dans l’espace du Liptako-Gourma. Selon le communiqué, les ministres ont salué la tenue effective de cette première rencontre, en dépit du contexte économique et sécuritaire difficile dans les trois pays, preuve de la grande résilience des trois peuples tout en réaffirmant leur ferme condamnation des attaques terroristes perpétrées dans l’espace du Liptako-Gourma.
Aussi, les ministres ont réitéré leur solidarité et leur détermination à œuvrer ensemble pour le bonheur et la prospérité des peuples de l’espace sous le leadership éclairé des trois chefs d’Etat.Le communiqué mentionne également que les ministres ont examiné des questions de développement économique et social, notamment de grands projets structurants. Ainsi, la rencontre ministérielle a été précédée des travaux des experts qui se sont déroulés, les 23 et 24 novembre 2023 au CICB.
Les experts ont échangé sur les thématiques suivantes : échanges commerciaux, circulation des personnes et des biens au sein de l’AES ; sécurité alimentaire ; sécurité énergétique ; transformation industrielle, potentialités et perspectives ; financement, intégration économique, arsenal réglementaire et réformes nécessaires.
Libre circulation des personnes et des biens
Sur les échanges commerciaux et la circulation des personnes et des biens au sein de l’espace AES, les ministres ont relevé que les échanges commerciaux entre leurs pays demeurent faibles en dépit des efforts entrepris par les Etats. Ils ont néanmoins reconnu que les pays membres de l’AES ont une économie ouverte dans laquelle le commerce représente une place importante dans leur produit intérieur brut (PIB).
Ils ont souligné la nécessité pour les Etats de l’AES de mettre en commun les efforts et de tirer les leçons des expériences vécues afin d’instituer un espace économique sécurisé permettant d’amorcer un développement harmonieux qui répond aux aspirations et au bien-être des populations. Avant de souligner la nécessité d’améliorer la connectivité entre les trois Etats de l’espace AES à travers la conception et la mise en œuvre de programmes de réseaux routier, aérien, ferroviaire et fluvial.
Sur la sécurité alimentaire, les ministres ont souligné qu’en dépit de l’existence d’importantes potentialités agricoles dans les trois pays, des contraintes liées notamment à la faiblesse des facteurs de production et aux chocs climatique et sécuritaire, impactent négativement la production agricole. Ils ont mentionné la nécessité, pour les Etats de l’AES, de renforcer les mécanismes communs de la riposte face aux crises alimentaires à travers notamment le développement des aménagements hydro-agricoles d’intérêt commun pour booster la production agricole et la mutualisation des réponses à l’insécurité alimentaire.
D’importantes réserves minières et pétrolières
En ce qui concerne la sécurité énergétique, les ministres ont relevé que la situation énergétique des pays de l’AES est caractérisée par une forte prédominance de la biomasse dans la consommation énergétique et de celle du thermique dans le mix énergétique. Ils ont également indiqué que le taux d’accès à l’électricité dans les trois Etats membres de l’AES reste faible. Ils ont cependant reconnu que les pays de l’AES disposent d’un potentiel important en énergies renouvelables, notamment le solaire et regorgent d’importantes réserves minières et pétrolières dont l’exploitation judicieuse devrait booster leur économie.
Par conséquent, les ministres ont relevé la nécessité de mutualiser les moyens financiers pour investir massivement dans le secteur énergétique afin d’assurer l’autonomie énergétique dans l’espace.
Sur la transformation industrielle, les potentialités et les perspectives, les ministres ont relevé que le tissu industriel de l’espace, peu développé, est caractérisé par la prédominance des petites unités. Ils ont noté une forte concentration des unités dans les capitales, une modeste contribution à la formation du PIB, ainsi qu’une insuffisance dans la création des emplois industriels. Les ministres ont, en outre, noté avec satisfaction que les Etats membres de l’AES disposent de nombreuses potentialités dans le domaine de la transformation industrielle. Ils ont réitéré la nécessité d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie commune d’industrialisation, en vue de développer le tissu industriel de l’espace AES.
Faiblesse du financement du secteur privé
Sur le financement, l’intégration économique, l’arsenal réglementaire et les réformes nécessaires, les ministres ont souligné que la gestion des finances publiques est marquée par des difficultés de financement des déficits budgétaires des Etats membres et le recours systématique aux émissions de titres publics pour en assurer le financement.
Ils ont également noté la progression de la part du marché financier dans le financement du déficit budgétaire, avec une baisse progressive des ressources extérieures mobilisées. Néanmoins, ils ont déploré la faiblesse du financement du secteur privé au sein des Etats membres de l’AES. Ainsi, ils ont appelé à promouvoir un partenariat entre les secteurs publics et privés des pays membres de l’AES, particulièrement pour le développement des infrastructures de base.
Ils ont reconnu la nécessité de mettre en place un fonds de stabilisation pour faire face aux différents chocs et la création d’une banque d’investissement de l’AES. Les ministres ont relevé la nécessité d’aller vers une véritable union économique et monétaire de l’AES.
Les ministres ont pris acte des résultats des travaux des experts et leur ont adressé leurs chaleureuses félicitations pour la qualité des réflexions menées au cours des deux jours.
Accélérer la mise en place de l’architecture juridico-institutionnelle
Les ministres ont formulé les recommandations suivantes : l’accélération de la mise en place de l’architecture juridico-institutionnelle et des mécanismes de financement des instances de l’AES ; l’amélioration de la libre circulation des personnes dans l’espace AES ; le renforcement de la fluidité et de la sécurité des corridors d’approvisionnement en luttant notamment contre les pratiques anormales et les tracasseries dans l’espace AES ; l’accélération de la mise en œuvre de projets et programmes énergétiques, agricoles, hydrauliques, de réseaux de transport routier, aérien, ferroviaire et fluvial dans les Etats de l’AES ; la création d’une compagnie aérienne commune aux Etats de l’AES ; le développement des aménagements hydro agricoles d’intérêt commun dans l’AES pour booster la production agricole (bassins agricoles notamment ceux du fleuve Sourou, plaine de l’Office Niger, bassin du lac Tchad, etc.) ; la construction et le renforcement des projets d’infrastructures (barrages, pistes rurales, routes, périmètres pastoraux, parc de vaccination des animaux, etc.) ; la mise en place d’un dispositif de sécurité alimentaire commun aux trois Etats de l’AES à travers des organes dédiés (stocks de sécurité alimentaire, Systèmes d’alerte précoce, observatoires des marchés agricoles) ; la réalisation d’infrastructures adaptées pour le développement du cheptel et la mise en place d’abattoirs modernes pour l’exportation de la viande et des produits dérivés de l’espace AES ; le développement des stocks de sécurité pour améliorer les capacités de stockages en hydrocarbures ; la mise en place d’un fonds pour le financement de la recherche et des projets d’investissements énergétiques et en matière de substances énergétiques notamment à partir de l’exploitation des ressources minières ; la réalisation des projets de centrale nucléaire civile à vocation régionale ; l’élaboration d’une stratégie commune d’industrialisation des pays de l’Alliance ; la promotion du financement d’infrastructures communautaires par la diaspora ; la mise en place d’un comité d’experts pour approfondir les réflexions sur les questions de l’union économique et monétaire ; la promotion de la diversification des partenariats ; la création d’un fonds de stabilisation et d’une banque d’investissement de l’AES ; la mise en place d’un comité technique de suivi de la mise en œuvre des recommandations de la réunion ministérielle.
Boubacar Païtao
Source : Aujourd’hui-Mali