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L’Afrique peut transcender son retard chronique et s’engager sur la voie de la ponctualité.

La ponctualité, pierre angulaire fiable de nombreuses sociétés, semble perdre son emprise dans plusieurs régions d’Afrique.

L’heure africaine, comme on l’appelle communément, est un problème récurrent sur le continent depuis des années.

Des recherches approfondies et des conversations avec des personnes de divers pays africains ont mis en lumière la nature critique de ce problème. Il entrave le progrès, perturbe les emplois du temps et sape la valeur du temps.

Cependant, en comprenant les racines de cette perception et en adoptant des solutions innovantes, l’Afrique peut transcender son retard chronique et s’engager sur la voie de la ponctualité.

Kemi Wale-Olaitan, doyenne de l’École des arts libéraux et des sciences sociales de l’African University College of Communication (AUCC), apporte un éclairage précieux sur le syndrome du temps africain.

Dans ses observations, elle souligne la tendance alarmante selon laquelle plusieurs dignitaires sont invités à des événements qui doivent commencer à 12 heures, mais ne se présentent que plusieurs heures plus tard.

Ce retard habituel entrave le développement et perpétue un cycle d’inefficacité.

Selon M. Kemi, le syndrome de l’heure africaine découle d’une interaction complexe de facteurs culturels, historiques et infrastructurels.

« Traditionnellement, les sociétés africaines accordent plus d’importance à l’accomplissement des tâches dans un délai donné qu’au respect d’un calendrier rigide. Cette approche était bien adaptée à un mode de vie agraire, où le temps était dicté par des indices naturels tels que la position du soleil ou le chant du coq. Cette interprétation culturelle a donné naissance à des expressions telles que « l’heure africaine » ou « l’heure de l’homme noir ».

Cependant, dans le monde moderne, où les calendriers et les échéances sont essentiels à la réussite, cette approche de la gestion du temps peut entraver les progrès.

La prévalence de « l’heure africaine »

En approfondissant la question, il devient évident que le syndrome de l’heure africaine transcende les frontières nationales et affecte les pays de tout le continent.

L’évêque Murphy Jackson, universitaire et évêque basé au Liberia, se fait l’écho de la gravité du problème dans son ministère.

Au Libéria, les retards sont familièrement appelés « l’heure libérienne ». Ce retard chronique perturbe les programmes prévus, compromet l’efficacité et entrave la croissance et le potentiel de son ministère.

M. Raymond Rushabiro, acteur et producteur vétéran basé en Ouganda, corrobore ce sentiment en qualifiant la perception de la mauvaise gestion du temps en Ouganda de « temps ougandais ».

Il souligne que ce phénomène fait grimper les budgets de production et a un impact négatif sur l’industrie cinématographique, ajoutant qu’à chaque fois qu’ils veulent avoir une heure d’appel, ils réduisent l’heure réelle d’une heure ou plus, afin d’appâter les gens pour qu’ils arrivent à l’heure prévue.

Selon l’ambassadeur George Egeh, la mauvaise gestion du temps est une tendance très inquiétante au Ghana, qui a donné naissance à l’expression « Ghana Man Time » pour GMT, où un programme prévu pour commencer à 8 heures du matin voit les participants arriver une heure ou plus tard.

Des témoignages similaires de M. Phil Efe Benard, cinéaste chevronné du Nigeria, de M. Shimekit Legese Nageenya, journaliste renommé basé en Éthiopie, et de M. Tegha King, commentateur social du Cameroun, révèlent que le problème du manque de ponctualité se pose également dans leurs pays respectifs.

M. Tafadzwa Charles Ziwa, scientifique basé au Zimbabwe, confirme également la prévalence du syndrome de l’heure africaine au Zimbabwe. M. Jeromy Mumba, acteur célèbre en Zambie, confirme le phénomène du défi de la ponctualité africaine en Zambie, le qualifiant de « temps zambien ».

Nyokabi Macharia, entrepreneuse, actrice et productrice basée au Kenya, confirme la tendance au Kenya, ajoutant qu’il s’agit d’une question de culture, les institutions et les entreprises s’efforçant de la faire évoluer.

Rafilwe Maitisa, d’Afrique du Sud, a révélé que, bien que la mauvaise gestion du temps ne concerne pas l’ensemble de la population sud-africaine, elle reste un problème pour certains citoyens du pays.

Les expériences convergentes de plusieurs autres personnes à travers le continent résonnent clairement – la question de la ponctualité doit être abordée en Afrique.

La valeur du temps

En tant que panafricain désireux de trouver des solutions globales aux problèmes de l’Afrique, j’ai analysé ce problème sous de multiples angles.

L’un des principaux facteurs contribuant au syndrome du temps africain réside dans la perception du temps et de sa valeur.

Dans certaines sociétés en dehors de l’Afrique, de nombreux individus sont payés à l’heure de travail, ce qui constitue un moyen clair de mesurer la valeur de leur temps.

Cette structure favorise la conscience du temps et facilite une gestion efficace du temps.

À l’inverse, en Afrique, les salaires mensuels sont la norme et ne tiennent pas compte de la notion de rémunération horaire. Par conséquent, l’Africain moyen éprouve des difficultés à saisir la valeur du temps en termes monétaires, ce qui entraîne un manque d’engagement en matière de ponctualité.

Considérons ceci : la compréhension des heures supplémentaires et de leur valeur est courante dans d’autres sociétés, en particulier en Occident. Chaque heure supplémentaire travaillée équivaut à une somme tangible.

À l’inverse, dans plusieurs contextes africains, cette corrélation s’estompe, ce qui favorise un manque d’appréciation de la valeur du temps investi au-delà de la norme.

La nécessité de recalibrer cet état d’esprit apparaît comme une étape cruciale dans l’instauration d’une culture de la ponctualité.

Défis infrastructurels

Les défis infrastructurels de l’Afrique contribuent également au syndrome du temps africain.

Le mauvais état des routes, les accidents fréquents sur nos routes et les embouteillages imprévisibles rendent difficile la planification et le respect d’horaires stricts.

Cette imprévisibilité conduit souvent à un sentiment de résignation, les individus acceptant les retards comme une conséquence inévitable du système de transport.

En outre, la journée de travail de 8 heures qui prédomine dans de nombreux pays africains peut renforcer une attitude décontractée à l’égard du temps pendant certaines périodes de la journée.

La croyance qu’une productivité limitée peut être atteinte dans des délais spécifiques peut conduire à la procrastination et à un manque d’urgence.

Lutter contre le syndrome

Pour lutter contre le syndrome du temps africain, il est essentiel d’affronter l’éléphant dans la pièce. La crainte de paraître stéréotypé ou de porter des jugements a empêché un examen critique de la situation et entravé la recherche de solutions viables.

Pour vaincre le syndrome du temps africain, il faut adopter une approche multidimensionnelle qui tienne compte à la fois des facteurs culturels et infrastructurels en jeu.

C’est un défi qui exige une action collective de la part des gouvernements, des organisations de la société civile, des entreprises et des individus.

Redéfinir la valeur du temps

Le passage à un salaire horaire ou à une rémunération basée sur les performances pourrait permettre aux travailleurs africains d’apprécier davantage la valeur du temps.

Cette transition nécessiterait une réévaluation des pratiques de travail et des relations employeur-employé afin de garantir une rémunération équitable et des modèles d’entreprise durables.

En établissant ce lien entre le temps et la valeur, les Africains peuvent mieux apprécier la valeur de leur temps et développer les compétences nécessaires à une gestion efficace du temps.

Il est essentiel d’investir dans le développement des infrastructures, en particulier dans les systèmes de transport, afin de réduire la durée des trajets et d’améliorer la prévisibilité. Il s’agit notamment de rénover les routes, d’élargir les options de transport public et de mettre en place des systèmes de gestion du trafic.

Le passage à une économie fonctionnant 24 heures sur 24 pourrait ouvrir de nouvelles perspectives économiques et améliorer la productivité. Il faudrait pour cela changer les mentalités, adapter les horaires d’ouverture des entreprises et veiller à ce que les infrastructures soient suffisantes pour assurer un fonctionnement 24 heures sur 24.

S’approprier le processus

En remettant en question les normes culturelles et en encourageant un dialogue ouvert, nous pouvons changer le paradigme de la ponctualité en Afrique. En reconnaissant le syndrome de l’heure africaine pour ce qu’il est – un obstacle au progrès – nous pouvons collectivement travailler à sa guérison.

La coopération entre les gouvernements, les sociétés civiles, les organisations et les individus est essentielle pour parvenir à un véritable changement.

Les individus jouent également un rôle important dans la lutte contre le syndrome du temps africain.

Cultiver le sens de la responsabilité personnelle en matière de gestion du temps, respecter les horaires et les engagements des autres en matière de temps sont des étapes cruciales vers une société plus ponctuelle.

Le syndrome du temps africain est depuis longtemps un fléau pour le continent, car il diminue l’efficacité et entrave le développement.

Toutefois, en comprenant le contexte historique, en s’attaquant à la perception de la valeur du temps, en relevant les défis infrastructurels et en envisageant de passer à une économie fonctionnant 24 heures sur 24, l’Afrique peut se frayer un nouveau chemin vers la ponctualité et la productivité.

Libérons-nous du carcan des retards et embrassons un avenir où le temps est respecté et utilisé efficacement, ce qui nous propulse vers le progrès et la réussite.

Il est temps pour l’Afrique de redéfinir sa relation avec le temps, de laisser derrière elle le syndrome du temps africain et d’entrer dans une nouvelle ère de ponctualité. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons libérer tout le potentiel du continent et prospérer sur la scène mondiale.

L’auteur, l’ambassadeur Dwomoh-Doyen Benjamin, est le directeur exécutif de la Chambre africaine des producteurs de contenu.………..lire l’article sur TRT Afrika

Source : TRT Afrika

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